Self control envahissant – Let me introduce you my new « friend » Alex!

J’ai évoqué dans mon dernier article le degré de contrôle que je suis capable d’avoir sur moi-même. 

C’est quelque chose qui m’a été fort utile tout au long de ma vie, mais qui est parfois très lourd à porter.

Je ne sais pas à quel moment exactement je me suis dit que je devais me contrôler, ne pas laisser paraître certaines choses aux yeux de tous, en toutes circonstances. J’imagine que ça doit remonter à l’enfance, et je suis presque sûre que cette boule de nerfs que j’ai constamment au creux du ventre a du apparaître à peu près au même moment que cette résolution, consciente ou non.

Depuis que j’ai eu mon pré-diagnostic, j’en découvre tous les jours sur moi et ma façon de fonctionner. J’ai l’impression que chaque jour m’amène un nouveau mot décrivant à la perfection les maux que je ressens depuis toujours, sans toutefois avoir réussi à les décrire moi-même jusqu’ici.

Le mot du jour est alexithymie.

Définition Wikipedia : 

L’alexithymie est une difficulté à identifier, différencier et exprimer ses émotions, ou parfois celles d’autrui. Ce trait de personnalité est communément observé parmi les patients présentant des troubles du spectre autistique et des symptômes psychosomatiques.

Le terme (tiré du grec a : préfixe privatif, lexis signifiant « mot » et thymos signifiant « humeur ») a été introduit en 1970 par John Nemiah et Peter Sifneos.

Je vous invite à vous renseigner plus avant si ce sujet vous intéresse. 

Mais comment cette alexithymie et le contrôle que j’exerce constamment sur moi-même influencent-elles ma vie au quotidien ?

La plupart du temps, je suis incapable de dire ce que je ressens, tout simplement parce que je ne sais pas ce que je ressens, ni pourquoi je le ressens. J’ai souvent envie de pleurer, je suis même parfois au bord des larmes, mais je suis bien incapable de m’expliquer, et encore moins d’expliquer aux autres, pourquoi. C’est perturbant. Et c’est la même chose pour toutes les émotions. J’ai toutes les répercussions physiques de ces émotions, mais comme je ne sais pas forcément d’où ça vient, ça engendre chez moi un petit côté hypocondriaque qui va me faire penser que là j’ai un malaise parce qu’il y a un truc qui déconne dans mon corps.

Tout comme les conventions sociales, je suis obligée de réfléchir, analyser voire décortiquer mes émotions et sentiments pour savoir pourquoi je les ressens. 

Et ma réponse à ces émotions est, elle aussi, intellectualisée et, de fait, non naturelle.

Là où ça devient particulièrement vicieux c’est quand le contrôle que j’ai sur moi-même et l’alexithymie se liguent pour me faire agir de façon totalement opposée à ce que je ressens.

Je suis quelqu’un de très rationnel, j’analyse tout, en permanence, et je comprends mieux pourquoi maintenant.

Pour vous donner un aperçu du genre de comportements que ce duo d’enfer peut me faire adopter, voici un exemple de réaction rationnelle que j’ai pu avoir par le passé, mais qui était en totale négation avec ce que je ressentais.

Un de mes ex, avec qui j’avais rompu une ou 2 semaines plus tôt, et une de mes amies, assez proche à l’époque, ont eu une aventure. Cet ex et moi nous sommes remis ensemble 2 mois plus tard, et j’ai eu vent de cette aventure sans que ni l’un ni l’autre ne me le dise. Je ne vais pas mentir, ça m’a profondément blessée. J’ai eu mal, physiquement même. J’ai réfléchi à tout ça, de façon rationnelle, et j’en ai rapidement conclu que je n’avais rien à dire, et implicitement rien à ressentir, à ce sujet puisque, de toute façon, « on était séparés »!! 

Break

Je ne m’autorise pas à avoir de réaction qui ne soit pas, à mon sens en tous cas, rationnelle. Et, ce qui est encore plus problématique, je ne m’autorise pas non plus à ressentir une émotion provoquée par une réaction qui me semble irrationnelle.

J’ai donc passé toute ma vie à nier une bonne partie de mes émotions parce que, comme vous tous, je suis humaine. Mais je ne m’autorise que très rarement à l’être.

Le problème c’est qu’un tel contrôle a, tôt ou tard, des effets dévastateurs.

 Je ne vais pas vous infliger la liste des symptômes physiques que je soupçonne d’être directement liés à cette mauvaise atypique gestion des émotions.

Alors voilà, à 34 ans je me retrouve là, avec un trop plein d’émotions accumulées, sans savoir d’où elles viennent ni ce qu’elles signifient. Et, plus important encore, sans savoir quoi en faire.

Il y a quelques années, j’ai eu quelques soucis de santé. Il m’arrivait d’avoir des malaises, d’avoir l’impression d’être sur le point de tomber dans les pommes, mais sans jamais aller jusqu’à m’évanouir. Quand j’en ai parlé à mon docteur, il m’a dit en riant « Ah mais en fait le souci c’est ça! Vous voulez tomber dans les pommes mais vous y arrivez pas! »

What

Non… et oui! Comme je le lui ai expliqué, j’espérais naïvement que si je tombais dans les pommes une bonne fois pour toutes, ça passerait et que je pourrais passer à autre chose.

Ok, je sais ce que vous vous dites : mais pourquoi elle nous raconte tout ça ???

Parce que j’essaie de faire une métaphore maladroite…

Aujourd’hui, à l’intérieur de moi, c’est un véritable raz de marée… et la marée monte, de plus en plus…

Putain mais merde arrête avec tes métaphores pourries…

Bref, j’ai ce trop plein d’émotions, et un tel contrôle sur moi-même, un contrôle que je ne contrôle même plus (oui moi aussi ça me pique les yeux quand je me relis), que je ne sais absolument pas comment les extérioriser. J’attends ce moment, j’en rêverais presque, ce moment tellement humain où tu ne gères plus rien et que tu pètes un plomb, une bonne grosse crise où tout sortirait n’importe comment, mais au moins ça serait dehors. Et après… enfin… le calme après la tempête… 

Et hop, tranquillou Milou je retombe sur mes pattes avec ma métaphore de merde!

Aujourd’hui j’ai l’impression d’être juste au bord du précipice, penchée dangereusement, mais pas suffisamment pour tomber. Mais je n’arrive pas à reculer non plus, à me maintenir à une distance raisonnable. Non, je suis sur la tangente des émotions, et j’ai l’impression que j’occuperai cette place pour toujours.

Comment on fait pour extérioriser ces émotions quand on ne les comprend pas ? Quand on ne sait même pas exactement ce que l’on ressent ni pourquoi ? Quand on est tellement rationnel qu’on ne s’autorise pas à ressentir des choses qui nous semblent irrationnelles ? Vous avez des pistes ?

Prosopagnosie… ou l’épiphanie dans l’ascenseur

Bonjour à vous mes chers lecteurs!

Tout d’abord, une bonne nouvelle : j’ai (enfin!) reçu le compte-rendu de mon bilan de tests neuropsychologiques! C’est sans appel, je suis bien autiste Asperger! Reste à faire valider par le psychiatre puisque seul un médecin est habilité à poser le diagnostic officiel.

Sinon, j’ai eu une épiphanie aujourd’hui! J’aime beaucoup ce mot dont la définition Wikipedia est la suivante:

L’épiphanie (du grec ancien ἐπιφάνεια, epiphaneia, « manifestation, apparition soudaine ») est la compréhension soudaine de l’essence ou de la signification de quelque chose.

J’étais dans l’ascenseur, en partant du travail, avec une de mes collègues que je côtoie depuis environ un an. Elle me dit « Ah tu t’es coupé les cheveux, ça te va bien! » et je lui réponds « Merci… » et là le blanc total! J’ai réalisé seulement à ce moment-là que je ne pouvais pas l’appeler par son prénom car, depuis un an à les croiser tous les jours, je ne suis pas foutue de les différencier elle et sa collègue du même service. En fait, ce qui est troublant c’est qu’elles ne se ressemblent pas particulièrement, si ce n’est qu’elles ont toutes les deux des lunettes et la même couleur de cheveux, et puis quand elles sont ensemble, je suis à peu près capable de dire qui est qui, mais séparément je n’y arrive tout simplement pas!

Et là, d’un coup, une autre pièce du puzzle qui se met en place. Un mot que j’ai croisé à plusieurs reprises lors de mes différentes lectures sur l’autisme et sur le quel je ne me suis jamais vraiment attardée me revient à l’esprit : prosopagnosie. Autrement dit, et toujours selon Wikipedia :

La prosopagnosie est un trouble de la reconnaissance des visages. C’est une agnosie visuelle spécifique rendant difficile ou impossible l’identification ou la mémorisation des visages humains. Le prosopagnosique est généralement capable de reconnaître les personnes en recourant à certains subterfuges, comme l’identification visuelle par l’allure générale (démarche, taille, corpulence) ou à des détails comme un vêtement familier, la coiffure, une barbe, une tache de naissance ou des lunettes. Il peut aussi, bien entendu, reconnaître une personne à l’aide d’autres sens que la vue : à sa voix, à son odeur, à sa poignée de mainetc.

Et là d’un coup, toutes ces choses qui font tilt :

  • Cette fois où j’ai dit à un copain de mon fils, qui était aussi mon ancien voisin : « Bonjour Machin, comment ça va ? » et qu’il m’a répondu « ça va très bien mais je suis pas Machin, moi c’est Truc »… J’étais pourtant sure de mon coup… Pour les avoir vus ensemble plus tard, il se trouve qu’ils ont la même couleur de cheveux et à peu près la même coupe.
  • Toutes ces fois où je vais chercher mes enfants à la garderie et où j’ai un petit coup de panique de ne pas les reconnaître de suite parmi tous ces enfants.
  • Pourquoi je confonds systématiquement, et depuis toujours, France Gall (paix à son âme), Sylvie Vartan et Véronique Sanson, ou bien Virginie Ledoyen et Marie Gillain, etc, etc… J’en ai plein des comme ça!
  • Toutes ces fois où je suis passée à côté de quelqu’un que je connaissais sans le reconnaître, tout simplement parce qu’il/elle n’était pas dans le contexte habituel où je le côtoyais.
  • Pourquoi je n’arrive quasiment pas à différencier les adolescent-e-s les un-e-s des autres. Faut dire qu’ils me facilitent vraiment pas la tâche en se baladant en meute et en faisant tout, vestimentairement et capillairement parlant, pour rentrer dans un seul et unique moule!
  • Pourquoi je suis totalement incapable de me représenter mentalement le visage des gens que je côtoie pourtant quotidiennement… même mes enfants, mon compagnon, ma famille et mes collègues… 
  • Pourquoi je suis totalement perdue quand on me demande de décrire quelqu’un… Je ferais un piètre témoin.
  • Toutes ces fois où j’au buggué pendant quelques secondes en croisant une connaissance à un endroit où je ne m’attends pas à la croiser… Oui ben t’es gentil Jean-Michel, mais d’habitude y a deux bureaux et deux écrans entre nous, pas un un caddie rempli de patates, alors là, sans mes repères habituels, j’ai un peu du mal à te remettre!
  • Toutes ces fois où je dois rejoindre des amis à un endroit et que je suis sur le qui-vive de peur de les louper. 
  • Toutes ces fois où on m’a dit « Salut ça va ? » et que j’ai répondu « Bien et toi ? » et que dans ma tête c’était juste « Putain de bordel de merde!! C’est qui déjà??? »

Liste non exhaustive…

Ce qu’il faut savoir, c’est que tous les autistes ne sont pas atteint de prosopagnosie, et tous les prosopagnosiques ne sont pas autistes. Mais surtout, ce qu’il faut retenir, le plus important dans tout ça, c’est que ça me fait au moins un point commun avec Brad Pitt! 😉

 

The dark side

J’ai un côté sombre. Un côté même très sombre dont peu de gens de mon entourage sont conscients tant je fais des efforts pour le combattre… ou pour faire semblant.

Pour vous donner une idée, j’ai souvent parfois l’impression d’évoluer dans des endroits sombres, de sentir comme une ombre sur moi et ce qui m’entoure, et de chercher perpétuellement la lumière. Parce que je la cherche cette lumière qui pourrait me sortir de là, j’y mets toute mon énergie, depuis toujours. Et parfois je la trouve, heureusement, mais je suis vite rattrapée par ce que j’appelle « mes démons ».

Et parmi les choses que je combats depuis toujours, s’il y en a bien une qui, aussi loin que je me souvienne, a toujours été là, c’est la dépression. 

Petite déjà, j’étais une enfant triste, angoissée, qui souriait peu, qui s’inquiétait pour tout, qui n’admettait pas l’injustice. Une enfant très renfermée.

J’ai commencé très tôt à somatiser cette angoisse : j’avais mal au ventre, très mal au ventre, et quand on me demandait de décrire cette douleur, tout ce que je pouvais dire c’est « j’ai une boule dans le ventre ». J’ai à l’époque vu beaucoup de médecins, ostéopathes, étiopathes, etc… qui en sont tous venus à la véritable conclusion : c’est nerveux.

Cette boule au ventre je l’ai toujours. L’intensité de la douleur varie, mais elle est toujours là. J’ai appris à l’accepter avec le temps, à la comprendre même. Elle est comme un baromètre qui me permet de comprendre et d’agir quand l’effondrement émotionnel guette. C’est peut-être grâce à elle que je n’ai jamais eu de grosse crise en public.

En privé c’est une autre histoire.

J’ai un souvenir très précis d’une crise d’angoisse que j’ai eu à l’âge de 15 ans. Il était 2 heures du matin, tout le monde dormait dans la maison, sauf moi. Ma mère était partie rendre visite à sa famille à l’étranger pour quelques semaines, mon père dormait dans sa chambre, juste à côté de la mienne. D’un coup je me suis sentie prise de vertige, de bourdonnements et de palpitations, j’avais le souffle court, sans comprendre pourquoi, mais avec une seule certitude : je ne passerais pas la nuit, j’allais mourir cette nuit-là et je ne verrais pas le matin. Je n’avais jamais été aussi sûre de moi de toute ma vie. Je n’avais jamais eu aussi peur non plus. Je me suis vue mentalement me ruer au chevet de mon père pour le réveiller en sanglotant et lui dire « Papa, aide-moi, je vais mourir ».

Mais je ne l’ai pas fait. Ma peur d’inquiéter mon père était, je crois, plus forte que celle de mourir. Et pourtant j’allais mourir cette nuit-là, c’était certain. Il me retrouverait morte dans mon lit au matin. J’ai ouvert la porte de sa chambre et je l’ai regardé dormir paisiblement. Je suis ensuite retournée dans ma chambre avec la ferme intention de ne pas m’endormir, parce que si je m’endormais, c’est sûr, j’y passais.

Je me suis réveillée le lendemain matin, la chambre inondée de lumière, en me demandant comment j’avais bien pu me mettre dans cet état-là, me persuader que j’allais mourir. Ce n’est que des années plus tard, il n’y a pas si longtemps à vrai dire, que j’ai compris que c’était une crise d’angoisse.

Celle-ci a été la plus impressionnante de toutes, mais il m’arrive encore parfois d’avoir des « effondrements émotionnels ». Ces effondrements paraissent souvent complètement démesurés de l’extérieur car l’élément déclencheur est généralement futile.

Un jour je me suis effondrée en sanglots incontrôlables dans le bac à douche parce qu’il n’y avait plus d’eau chaude. Je suis restée ainsi, assise, en pleurs, en me balançant légèrement, jusqu’à me calmer.

Un autre jour, dans ma cuisine, je me suis pris le coin du placard dans la tempe. J’ai jeté ce que j’avais dans les mains dans l’évier, j’ai couru dans ma chambre, folle de rage et pleine de sanglots, pour me réfugier, assise, dans le petit espace juste assez grand pour m’accueillir, entre l’armoire et le mur. J’ai laissé mes sanglots couler en me balançant légèrement, sans comprendre comment je pouvais me mettre dans des états pareils.

Plus récemment, je suis entrée dans une rage folle car le film que j’avais prévu de regarder le soir en rentrant chez moi ne fonctionnait pas. Dans ces moments-là je suis d’une mauvaise foi terrible, rien ne trouve grâce à mes yeux, et j’en ai conscience, c’est ça le pire. Je peux avoir des paroles très dures. Ma colère grandit, comme un nuage de fumée noire incontrôlable, et puis, d’un coup, sans savoir pourquoi ni comment, ça passe.

Avec le temps et le recul, j’ai fini par comprendre que ces petits déclics qui déclenchaient ces crises n’étaient que la goutte d’eau qui fait déborder le vase, que j’étais en surcharge émotionnelle, état que je décris dans cet article.

J’ai parlé de la dépression en début d’article. J’ai depuis des années un rapport très ambigu avec la dépression. Elle fait partie de moi, mais je la combats de toutes mes forces. J’essaie du moins, ce n’est pas toujours aussi simple. A certains moments de ma vie, chaque instant est un combat et, si je m’écoutais, je resterais prostrée au fond de mon lit, ce qui, loin de me faire du bien, accroît mon mal-être. Mais parfois je n’ai pas d’autre choix. Cela doit certainement paraître incompréhensible à des gens qui n’ont jamais connu ça, mais parfois il est juste tout bonnement impossible de se « mettre un coup de pied au cul », faire un effort, se motiver. C’est comme si une chape de plomb vous clouait au lit, vous empêchant de vous lever pour faire les choses les plus anodines.

La dépression et les angoisses, mes meilleures ennemies…

Et aujourd’hui, de nouveaux questionnements. 

La dépression et ces angoisses sont-elles les conséquences de mon autisme, ou plutôt de mon incapacité à m’adapter à la société, à ce qu’on attend de moi ?

Est-ce que, si j’apprends à marcher dans mes pompes, et non dans celles de cet autre personne que je me force à être et qu’on attend que je sois, je pourrai, enfin, m’en débarrasser ?

Ai-je une chance, un jour, de trouver la lumière, la vraie, celle qui pourrait tenir ces ombres à distance ?

La route est longue… Dans un autre article je vous parlerai de ma quête perpétuelle du bonheur, parce que, malgré tout, je me bats contre ces démons, et je ne perds pas espoir de remporter un jour la partie.

 

Life is a bitch, but I love that bitch !

8 Fun facts about me

  • Quand je pense à n’importe quel repère temporel, année, saison, mois, date, etc… je le vois dans ma tête sous forme de graphique :
    • La vie est représentée comme une longue ligne droite sur laquelle je me déplace en avançant dans l’âge, avec des repères tels que l’enfance, l’adolescence, et tous les 10 ans à partir de 20 ans.
    • L’année est un carré, chaque côté correspondant à une saison, où je vois précisément les mois.
    • Je vois les mois et les semaines comme des lignes droites plus courtes, où chaque jour a une représentation différente.

Quand j’imagine une date, ou que je m’imagine dans le passé ou le futur, je ne me visualise pas plus jeune ou plus vieille, je vois ce schéma.

  • A chaque fois que je vois un radio-réveil, ou n’importe quel appareil affichant l’heure de façon digitale, j’additionne systématiquement tous les chiffres ensemble, jusqu’à les réduire à un seul chiffre. En faisant ça on se rend compte que, dans cette configuration, le chiffre 9 est nul. Essayez et vous comprendrez.

 

  • Quand je regarde la télé ou que j’écoute la radio, ou que je baisse ou augmente le volume sur mon pc, je dois toujours le mettre sur un chiffre ou nombre pair, ou un multiple de 5, c’est la seule exception. Peu importe que le son soit parfait à 11, je mettrai 10 ou 12.

 

  • Quand je monte ou descends des escaliers, je compte systématiquement les marches. La plupart des escaliers intérieurs ont 14 marches.


  • Je repère quasi systématiquement les plus petites incohérences des films, séries et livres que je regarde.


  • Je ne supporte pas qu’on laisse les tiroirs ou les portes ouvertes.


  • J’ai un sens de l’orientation plus que déplorable. 


  • Je vois des odeurs et je sens des images… Et ça j’aurais beaucoup de mal à vous l’expliquer, je ne me l’explique pas moi-même…

La surcharge mentale

Vous avez certainement tous entendu parler du concept de la charge mentale, popularisé par la dessinatrice Emma dans sa magnifique BD « Fallait demander » que vous pouvez retrouver ici.

Je voudrais aujourd’hui vous parler d’un concept qui m’est extrêmement familier et que je nommerais la surcharge mentale.

J’ai toujours eu conscience, avant même d’entendre parler du syndrome d’Asperger, d’être un « caméléon social ». Je me suis toujours adaptée, à mon environnement, personnel ou professionnel, aux gens qui m’entourent.

Ce qui pourrait ici passer pour une imposture n’est en fait qu’un réflexe de survie sociale.

Très tôt je me suis rendue compte que j’étais différente, sans forcément pouvoir mettre des mots sur cette différence. Je n’ai pas les mêmes réactions, façons de penser, schémas de réflexion, centres d’intérêt, etc, etc… que les gens qui m’entourent. Contrairement à eux je ne suis pas à l’aise dans ce monde que je ne comprends pas toujours.

J’ai réalisé également très tôt que je n’assumais pas cette différence, que je ne voulais pas que le reste du monde s’en rende compte.

Alors je prends sur moi, depuis toujours, pour me faire passer pour quelqu’un que je ne suis pas, en continuant de me poser cette question : qui suis-je au fond ?

Je ne suis pas en train de dire que ma personnalité est une vaste imposture. Ceux qui me connaissent bien savent par exemple que j’ai mes propres opinions, parfois bien tranchées sur certains sujets, que j’assume plus volontiers aujourd’hui, même si elles ne sont pas partagées.

Mais je fais constamment des efforts dans les interactions sociales. Cela tient presque du réflexe aujourd’hui, mais l’effort est là.

Je fais aussi des efforts depuis toujours pour ne pas blesser les autres. Je réflechis sans cesse à ce que je vais dire, comment je vais le dire, comment ça va être reçu, interprété.

Je fais même des efforts pour paraître bien alors que je vais mal, parce que j’ai remarqué que beaucoup de gens culpabilisent quand un proche va mal, qu’ils ramènent ça à eux et pensent en être la cause.

J’ai l’impression d’avoir perdu toute spontanéité.

D’avoir perdu cette capacité à être émerveillée, surprise par la vie.

J’ai la sensation que chaque jour va se répéter indéfiniment, jusqu’à la fin. Ce qui pourrait être agréable et rassurant si la vie que je mène actuellement était celle que je voulais, mais ce n’est pas le cas.

Il y a dans ma vie des éléments que je ne changerais pour rien au monde, et d’autres que j’aimerais voir définitivement disparaître.

On en est tous là je sais.

Et la surcharge mentale arrive quand cet équilibre, difficile à trouver, est bancale.

Cette surcharge, je l’ai déjà frôlée, touchée du bout des doigts, à plusieurs reprises dans ma vie.

Ces fois où, plus jeune, j’ai lâché des boulots sur un coup de tête parce que je n’en pouvais plus, parce que la simple idée de me lever le matin, d’affronter le monde pour aller faire un travail que j’avais en horreur, me paralysait physiquement.

Ces fois où j’ai fait des crises d’angoisse au coeur de la nuit, sans que personne n’en sache jamais rien.

Ces fois, ces années, toute ma vie depuis l’enfance en fait, où j’ai du apprendre à vivre avec une boule au ventre, qui se fait plus ou moins sentir selon mon degré de surcharge.

Ces fois où je craque, un peu, où je suis nostalgique d’une enfance pourtant pas parfaite dans laquelle j’aimerais parfois retomber pour ne plus avoir cette chape de plomb, toutes ces responsabilités d’adulte sur les épaules.

Ces fois où je sursaute au moindre bruit, où mon coeur bat la chamade et me rend malade à la moindre sirène qui retentit.

Ces fois où, seule, je reste prostrée dans mon lit, incapable de me lever pour me faire à manger parce que je n’en ai pas la force.

Ces fois où, seule au fond de mon lit, j’en viens presque à fantasmer un malaise physique ou un accident pas trop grave, qui m’immobiliserait quelques temps et m’empêcherait de pouvoir gérer quoique ce soit. Qui obligerait mon entourage à prendre ma part de charge mentale, à me dire « t’inquiète pas, on s’occupe de tout, repose-toi ».

Ces fois où j’ai peur que ça arrive, parce que je sens bien que cette surcharge est de plus en plus lourde et présente, que j’accumule de plus en plus de fatigue et de maux physiques qui ne sont que des somatisations de ce que je ressens. Parce que je ne sais pas non plus si je serais capable de totalement lâcher prise, de m’en remettre à d’autres, de leur faire suffisamment confiance pour les laisser gérer à ma place. Parce que je suis aussi d’une nature très indépendante.

Ces fois où mon être tout entier est en conflit.

Je sais que je ne peux pas continuer comme ça. Je pense sincèrement qu’un jour mon corps va me lâcher, peut-être qu’un matin je n’arriverai tout simplement pas à sortir du lit. Où peut-être que ce sont mes émotions qui me planteront. Peut-être qu’un jour il y aura le bruit de trop, la personne qui s’approchera trop de moi, la foule… et que je m’écroulerai en pleurant, prostrée, incapable de bouger.

Ou peut-être que j’arriverai à tenir comme ça toute ma vie, comme tant d’autres le font, mais à quel prix.

La vie est parfois difficile, pour tout le monde. Je ne cherche pas à me faire plaindre, ceux qui me connaissent personnellement savent que ce n’est pas mon style.

Mais j’aimerais parfois être capable de mettre les sceptiques, ceux qui ne veulent pas comprendre, ceux qui vont même jusqu’à nier l’existence du syndrome d’Asperger, ceux qui disent que « quand même vous en rajoutez » dans mes pompes ou celles d’un ou d’une autre autiste pendant quelques heures pour qu’ils comprennent ce qu’on peut ressentir, parfois jusqu’à la souffrance physique, dans des situations qui leur semblent banales. Leur prouver que, non, on n’est pas des fainéants, non, on ne se cherche pas des excuses, non, on ne s’écoute pas trop. Ils seraient surpris si on s’écoutait réellement.

Le syndrome d’Asperger est ce qu’on appelle un handicap invisible.

Le handicap réside, à mon sens, dans le rapport aux autres dans notre société actuelle; quand je suis seule dans un environnement qui me convient, je ne me sens pas handicapée.

Invisible ne veut pas dire inexistant. Ce n’est pas parce que vous ne le voyez pas qu’il n’existe pas.

Certains diront « oui mais tu sais, on joue tous plus ou moins un jeu en société, tu pourrais faire un effort, comme tout le monde ».

Ce que j’aimerais faire comprendre à ces gens c’est que des efforts, j’en fais constamment et depuis toujours, et que ça m’épuise.

Nous vivons dans le même monde, mais nous n’avons pas les mêmes armes pour l’affronter.

Des efforts, j’en fais quand je vais acheter du pain à la boulangerie, quand je sors dans des endroits fréquentés, quand je dois soutenir une conversation, quand il y a des gens que je ne connais pas ou peu près de moi, quand je dois répondre « non merci, je n’ai pas besoin d’aide » à un vendeur insistant. Toutes ces situations, banales et spontanées pour vous, sont souvent source d’angoisse pour moi, et requièrent une préparation et une attention de tous les instants.

Aller boire un verre avec des amis vous détend, vous ressource. Moi aussi, dans une certaine mesure. Mais ça veut aussi dire affronter le bruit, les odeurs de cuisine, les cris, les bousculades parfois et autant de stimuli que je n’arrive pas à filtrer. Je sais qu’assez rapidement je finirai par décrocher, que je n’arriverai plus à me concentrer sur les conversations car je devrai aussi gérer toutes ces petites agressions. Je sais aussi que je rentrerai épuisée et qu’il me faudra plusieurs jours pour m’en remettre.

Imaginez un seul instant que chaque bruit sec que vous entendez vous fasse l’effet d’une bombe qui explose à vos oreilles, que chaque éclat de rire soit amplifié jusqu’à vous faire mal, que chaque interaction sociale avec des inconnus vous mette dans l’état dans lequel vous êtes quand vous passez un entretien d’embauche, que chaque personne qui s’approche un peu trop de vous vous fasse l’effet d’une violente bousculade. Essayez d’imaginer passer une journée entière avec ces paramètres. Vous serez certainement stressés et épuisés avant la fin de la journée. Cette journée stressante et angoissante, c’est mon quotidien.

Alors ne me demandez pas de « faire un effort ». Des efforts j’en fais continuellement et depuis toujours pour m’adapter à un monde qui n’est pas fait pour moi.

Ceci n’est qu’un petit aperçu de ce que je peux parfois ressentir, ce n’est pas représentatif de ce que peuvent ressentir tous les autistes Asperger.Comme tout le monde, et heureusement, nous avons tous nos particularités et singularités. Je tiens également à dire qu’il y a aussi de bons côtés quand on est autiste Asperger, et cela fera certainement l’objet d’un article un jour.

Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui est un jour sans.

La faute de la mère… réflexions sur la prise en charge de l’autisme en France

Quand j’avais environ 2 ans, ma mère m’a emmené chez le pédiatre pour une visite de routine. Pendant qu’elle discutait avec lui, je me suis installée au coin enfant pour jouer. A la fin de leur conversation, le médecin s’est levé pour m’ausculter. Sans une parole, il m’a arraché le jouet que j’avais entre les mains pour m’attraper.

Je me suis retournée et l’ai griffé. Jusqu’au sang.

Il est entré dans une colère noire et a crié à ma mère que je n’étais pas normale, que j’étais trop agressive et qu’il fallait m’enfermer dans une institution.

Ma mère s’est mise à lui hurler dessus à son tour que c’était lui qui avait un problème, qu’on n’arrachait pas un objet des mains d’un enfant, pas même un objet dangereux, sans le prévenir au préalable, que ma réaction était normale puisque, ne l’ayant pas vu venir, je m’étais sentie surprise et agressée.

Ma mère est partie en claquant la porte et je n’ai plus jamais revu ce pédiatre.

Ce jour-là, ce médecin a relevé un comportement qu’on pourrait qualifier d’atypique chez un enfant de 2 ans, qui méritait peut-être qu’on se penche dessus, qu’on l’observe à la lueur de sa façon d’être générale. 

Mais nous étions en 1985.

Je n’ose imaginer ce qu’il se serait passé si ma mère n’avait pas eu cette réaction.

Combien d’enfants comme moi ont été broyés par ce système ? Combien séparés de leur famille, placés dans des institutions pour des comportements jugés anormaux ? Parce qu’ils ne rentraient pas dans le moule. Parce que c’était la faute de la mère, encore et toujours, et qu’il fallait éloigner au plus vite cet enfant de la source de son anormalité, en culpabilisant au passage la mère, coupable de toutes les plaies du monde.

Il y a eu durant mon enfance d’autres comportements alertant sur ma… je ne sais quel mot utiliser… différence ?

Je crois que mes parents ne voulaient pas les voir. Après tout, en famille, j’étais une enfant plutôt calme, qui communiquait sans problème et n’était pas particulièrement agressive. 

Je crois aussi que mes parents ont eu chacun un parcours de vie où la souffrance et la stigmatisation étaient tellement présentes qu’ils voulaient à tout prix nous épargner.

Ma mère a perdu sa mère à l’âge de 4 ans. Elle a eu la poliomyélite peu de temps après et a passé une grande partie de son enfance et son adolescence loin de la famille qui lui restait. Qu’un médecin lui dise que le remède pour « guérir » sa fille était de l’éloigner des siens, elle ne pouvait pas l’entendre. Et je ne peux pas l’entendre non plus. 

Mon père a quant à lui été l’enfant non désiré qui a précipité le mariage de ses parents. Il a traversé comme il a pu une enfance et une adolescence tumultueuse, sous les coups et l’alcoolisme de son père, considéré à jamais comme le petit mouton noir de la famille. Je crois qu’il s’est toujours senti différent. Et peut-être qu’il l’était réellement.

Je ne rentrerai pas plus dans les détails de ma vie personnelle pour l’instant. J’avoue que c’est un projet que j’ai, depuis longtemps, et que je n’ai pas encore eu le courage de mettre en oeuvre. L’écriture est une de mes passions (intérêts spécifiques ?) depuis toujours, et j’ai toujours rêvé de devenir écrivain. Peut-être un jour..?

La problématique de l’accompagnement des enfants autistes est plus que d’actualité, particulièrement en France.

On les parque dans des hôpitaux de jour. L’hôpital n’est-il pas un centre de soins, censé guérir ou du moins traiter des maladies ? Pourquoi y envoyer des enfants en bonne santé ? 

Accepter une bonne fois pour toute la neurodiversité serait un bénéfice pour toute la société. Comment croire que des adultes neurotypiques puissent accepter la différence des neuroatypiques alors qu’ils n’y ont jamais été confrontés dans leur enfance ? 

Pourquoi l’école française s’escrime-t-elle à évaluer les enfants, tout au long de leur scolarité, sur des critères précis, en laissant complètement de côté d’autres talents que certains enfants développent ?

Comme le disait si bien Albert Einstein :

Tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide.

Par exemple, et je pense que cela fait partie des choses qui m’ont « sauvée » de cette machine à broyer les esprits, quand je suis rentrée au cp, je savais déjà lire, écrire, et je comprenais ce que je lisais. Je suis depuis toujours passionnée de lecture. C’est, dans notre société, un « talent » acceptable, voire encensé, et qui m’a peut-être valu une certaine tolérance vis à vis de mes autres comportements atypiques.

Que serais-je devenue si mon « talent » et ma passion avait été de retenir par cœur toutes les plaques d’immatriculation que je croisais ? 

Tout le monde aurait à gagner à une profonde réforme de l’école. 

Dans mes rêves les plus fous, l’école Montessori serait la norme et accessible à tout le monde.

Dans mes rêves les plus fous, chacun aurait un espace où exprimer ses talents, car tout le monde en a, sans être jugé ni stigmatisé.

J’espère que ce rêve deviendra un jour réalité.

En attendant je salue les initiatives des professeurs des écoles qui, de plus en plus et malgré les contraintes de l’Education nationale, font entrer des initiatives type Montessori dans les écoles publiques.

24 heures dans la vie d’une autiste Asperger illustrées par la série Kaamelott

Aujourd’hui j’ai décidé de vous expliquer, à l’aide de gifs tirés de l’excellente série Kaamelott, les différentes choses qui peuvent me passer par la tête en une journée.

ça commence dès le réveil :

J'vais peut être aller me recoucher moi

Avec les années à faire semblant pour essayer de me fondre dans la masse, à « faire un effort », j’ai accumulé un degré de fatigue assez monumental qui fait que chaque matin au réveil je me sens vidée ! Il y a des fois où j’éclaterais presque en sanglots tellement c’est dur. 

Mais bon, je me dis « Allez…

Courage

Je dois ensuite me rendre sur mon lieu de travail, et pour cela je n’ai pas d’autre choix que de prendre le train et ce qui doit sûrement être la pire ligne du métro parisien, avec tous les désagréments sonores, olfactifs et tactiles que cela peut engendrer. 

Extérieurement j’arbore ma poker face. Intérieurement c’est une autre histoire…

Mais vous êtes des malades - bruits

A peine arrivée au bureau, j’en suis déjà à ce stade :

Putain j en ai marre

J’arrive ensuite à mon bureau… en open space… Quand j’ai de la chance, j’arrive avant les autres, mais pas toujours. Parfois j’entends des conversations professionnelles, des blagues d’un humour plus ou moins douteux et je me dis :

 Et si jamais on essaie de me faire participer à la conversation, je réponds « Oui bien sûr! » ou « Ah ah ! Quelle vie palpitante tu mènes! » mais en vrai j’ai juste envie de dire, selon mon humeur :

C est pas faux

ou

J en ai rien à foutre

J’ai la chance d’être assez autonome dans mon travail. Mais il m’arrive de devoir poser une question à mon chef. Mon chef est du genre à tourner presque tout en dérision, même le travail. Donc quand je pose ma question, une fois sur 2 je repars sans ma réponse et avec une vanne douteuse. Selon mon degré de fatigue, la réaction ci-dessous est plus ou moins évidente chez moi :

D accord alors ça c est super sinon

Est-ce qu’on peut en revenir à ma question ?

Selon sa propre humeur du jour, la réaction ci-dessous est également plus ou moins évidente chez lui :

C est ça réfugiez-vous dans le détail 

Arrive enfin la pause déjeuner que je passe en général au bureau à bouquiner ou surfer sur le web. Il est à peine midi mais… 

Sans déconner j en ai marre

Malheureusement je ne suis pas la seule à déjeuner au bureau. Certains mangent en groupe, discutent (fort), regardent des vidéos (très fort) et rient (très très fort) d’un humour que je ne partage que rarement.

Et là je rêve juste d’avoir un jour le courage de dire :

Vous pouvez fermer vos gueules

L’après-midi est souvent plus animé. Les gens discutent plus, rigolent, et je vous rassure ça m’arrive aussi. Mais mon chef a un côté provoc et il sait malheureusement me faire partir au quart de tour avec ses blagues douteuses à tendance misogyne ou homophobe. Cela dit c’est peut-être le seul moment intéressant de la journée pour moi parce que, malgré ses blagues, j’essaie d’amener de vraies discussions, de débattre de sujets qui me semblent hautement plus intéressant que les conversations de café que je ne supporte plus. J’essaie d’expliquer mon point de vue, pour me retrouver face à des murs… Quelques exemples en vrac de points de vue que j’ai donné mais qui ont choqué l’assistance : je ne vois pas le problème avec un petit garçon qui joue à la poupée, l’homosexualité n’est ni une tare ni la conséquence d’une mauvaise éducation, la charge mentale n’est pas une invention, oui le harcèlement de rue est malheureusement très courant, etc, etc… Je vous l’accorde y a du niveau!

Au fond je vois bien dans leurs regards que parfois ils se disent :

Des engins comme vous ça devrait être livré avec une notice

Malgré ça et, encore une fois, selon mon degré de fatigue et de motivation du jour, j’essaie d’expliquer mon point de vue, à force d’anecdotes et d’exemples. Et puis je me dis à quoi bon ? Je me fatigue pour rien.

Je vous explique mais vous ne comprenez rien

Mais des fois ça me rend folle, mais folle… J’ai juste envie de laisser tomber mon masque et de réagir comme ça :

Ah merde là!

Et je sens bien que je suis en décalage, et pourtant, s’ils savaient à quel point je pourrais l’être encore plus si j’avais le courage de décider d’être, ne serait-ce qu’un jour, totalement moi-même, de ne pas m’adapter à eux… 

J ai l impression d être insipide

Et puis parfois, à de rares et trop courts moments, mon filtre social décide de se mettre en grève. Je commets un impair, sans le réaliser, je dis un truc qu’il fallait pas dire, et je comprends pas la réaction en face, et au fond de moi c’est juste :

Oh mais pourquoi vous vous mettez en colère

Parfois, malgré ça, on me dit « tu vas au pot de départ de Machin ce soir? »

De qui ??? Ah ah ! Non.

Allez viens, ça va être sympa! Pourquoi tu veux pas venir ?

Mais parce que ça me gonfle

Allez viens quoi!

M en fous j'irai pas

Et en plus c'est sans alcool

Bon, j’avoue, pour la dernière, ça n’arrive jamais dans la boite dans laquelle je travaille, mais pour socialiser correctement avec des inconnus ou des presque inconnus, il me faut au moins 2 verres. Du coup comme j’ai pas envie de développer une dépendance à l’alcool – déjà je fume, ça me pourrit assez la vie comme ça – je ne vais que rarement à ce genre d’événements.

Mais des fois, je sais pas pourquoi, j’accepte.

Et je me retrouve parfois entourée d’inconnus, qui ont des conversations dans lesquelles je n’arrive pas à m’immiscer, et je me sens comme ça :

ça vous ennuie si je me taille les veines

Et puis je reprends mon métro, et mon train, après une journée banale mais fatigante, en sachant que le jour suivant, celui d’après et tous les autres seront à peu de choses près pareils, et je me dis :

On en a gros

Et je rentre chez moi retrouver mes enfants et mon compagnon, enfants et compagnons que j’aime d’amour et qui ne sont pourtant pas extrêmement bavards (bon ok, ça c’est valable uniquement pour mon compagnon, mes enfants sont des pipelettes), et malgré tout l’amour que j’ai pour eux, parfois, j’ai juste envie de leur dire ça :

J'vous interdis de prononcer un mot

Saurez-vous deviner quelle ligne je considère comme la pire du métro parisien ? J’attends vos réponses en commentaires 🙂

Je ne suis pas tactile 

Il y a quelques années je prenais des cours de zumba avec certaines de mes collègues tous les vendredis soirs.

J’adorais ces cours. Je pouvais me défouler, être dans ma bulle tout en étant entourée de gens, et j’avais un prof génial.

Un soir ce prof n’a pas pu venir et s’est fait remplacer par une amie. Bon, déjà, autant vous l’avouer, j’étais contrariée d’avance par ce changement. Et en plus, cette prof n’avait pas du tout la même façon de faire que mon prof habituel. A un moment elle nous a demandé de nous mettre par 2 pour danser la salsa.

J’avoue que si je m’étais écoutée j’aurais réagi comme ça :

Cox

Mais comme je suis une jeune femme polie, bien élevée et bien adaptée, j’ai plutôt réagi comme ça :

Internally screaming

Comble de malchance, mes collègues et moi étant venues en groupe impair, je me suis retrouvée avec une dame que je ne connaissais pas… et qui s’est trouvée être très à l’aise dans cette danse… et très tactile.

Le morceau m’a paru extrêmement long, j’étais on ne peut plus mal à l’aise et j’avais envie d’en finir au plus vite.

Quand ce fut enfin terminé, je me suis dégagée au plus vite et me suis retournée vers mes collègues… qui étaient mortes de rire! La femme avec qui j’avais dansé était interloquée, et je me sentais de plus en plus gênée. Une de mes collègues a cru bon d’ajouter, à son intention, en s’esclaffant « Non mais c’est juste que ça nous fait rire parce que notre collègue elle aime pas qu’on la touche! ».

J’étais choquée.

Je le savais que j’étais pas tactile, mais je pensais pas que ça se voyait à ce point! Après tout pourquoi aurais-je été tactile avec mes collègues ???

Plus récemment, j’étais dans le train pour rentrer chez moi, en débardeur, chose assez rare. J’étais assise et le bout de mon pied touchait légèrement le siège vide en face de moi. Je sens d’un coup quelqu’un tapoter mon épaule nue, je me retourne d’un coup et me retrouve face à un type me disant « non mais franchement votre pied là! ».

Je vais faire une petite aparté ici pour tenter de vous décrire un peu ma façon de fonctionner. Je suis, d’une manière générale, même si j’essaie d’y travailler, du genre trop gentille, vous savez le genre de personne qui dit tout le temps « Oh pardon! Désolée! » quand on la bouscule, qui ne dit jamais rien, voire se laisse marcher sur les pieds et déteste par dessus tout se faire remarquer. C’est tout moi!

Mais là, sur le coup, le wagon bondé, les gens tout autour de moi, ce type que je ne connaissais pas… tout était en second plan. Je l’ai regardé droit dans les yeux, chose assez rare pour moi, et je lui ai dit, très froidement « par contre vous me touchez pas! ». Il a continué son blabla que j’étais incapable de suivre et je continuais à répéter, en haussant le ton « vous me touchez pas! », totalement indifférente, pour la première fois aux regards qui commençaient à se tourner vers nous en se demandant ce qui était en train de se passer.

Dans ma sphère privée c’est légèrement différent.

Avec mes enfants par exemple, j’ai l’impression que je suis plutôt tactile. Mais plus ça va et plus je me rends compte que je ne suis peut-être pas aussi tactile que la plupart des mères. Je ne suis pas froide pour autant, j’ai d’ailleurs été une grande adepte du portage quand ils étaient plus petits, et j’adore quand ils viennent me faire des câlins.

Avec mon compagnon, je sais que je ne suis pas aussi tactile que lui le souhaiterait. Plus que le contact, c’est de sa présence dont j’ai besoin. On peut être tous les 2 dans le salon, à faire chacun une activité, et j’apprécie qu’il soit à mes côtés, même si c’est à l’autre bout de la pièce. Je ne ressens pas forcément le besoin d’être collée à lui en permanence. J’ai remarqué également que, bien que l’initiative vienne rarement de moi, quand c’est le cas, c’est assez pulsionnel. Si j’ai besoin de le prendre dans mes bras ou qu’il me prenne dans ses bras, c’est maintenant, c’est quelque chose que je ne peux pas différer. Et dans ces cas-là j’ai besoin qu’il me serre fort dans ses bras, un contact soutenu, j’ai du mal avec les effleurements.

Avec ma meilleure amie – on en rigole souvent car on est un peu pareil là-dessus – quand l’une de nous a besoin de réconfort, ça donne ça : 

Je ne suis donc pas franchement à l’aise avec le contact physique.

Et vous, vous vivez ça comment ?

Ted! Ted! Look at me!

Ok, ok, je persiste et signe dans mes jeux de mots foireux, mais il s’avère que celui-ci n’est absolument pas fait exprès! C’est extrait de la série How I met your mother, que j’adore, et dont le personnage principal s’appelle Ted.

 

Barney

Ted! Ted! Regarde-moi!

 

Il se trouve que TED signifie également Troubles Envahissant du Développement et est une classification dont l’autisme fait partie.

Cet article va se pencher un peu sur le regard…
Dans l’inconscient (et le conscient) collectif, ne pas regarder son interlocuteur dans les yeux signifie souvent qu’on se sent coupable, qu’on a quelquechose à cacher, voire qu’on est carrément en train de mentir.
La plupart des autistes ont du mal à regarder dans les yeux.
La plupart des autistes ont également du mal à mentir.
Ces 2 affirmations s’appliquent très bien à mon cas. J’ai énormément de mal à regarder mon interlocuteur dans les yeux lors d’une conversation. Je me force souvent, car j’ai appris avec le temps que cela pouvait être mal interprété et me porter préjudice, dans les différentes sphères de ma vie.
Lors d’un entretien d’embauche par exemple, j’ai tendance à fixer intensément mon interlocuteur, puis je me rappelle que ça aussi ça peut être mal interprété, et je détourne un peu le regard, puis je reviens à mon interlocuteur. Il faut que je pense également à ponctuer son discours de quelques hochements de tête approbateurs et autres « oui, bien sûr ».
Tout cela n’est pas naturel pour moi, c’est tout à fait conscient de ma part, calculé, sans le sens péjoratif qu’on attribue souvent à cet adjectif. Je fais des efforts pour faire tout ça, des efforts qui m’épuisent et demandent toute mon attention. Cette attention je dois aussi la focaliser sur ce que dit mon interlocuteur, sur le sens de son discours, car j’ai beaucoup de mal à interpréter le discours non-verbal, je dois me raccrocher aux mots.
Et quand vient mon tour de parler… Avec le temps j’ai appris, d’ailleurs je m’en sors plutôt bien en général, mais c’est terriblement épuisant. Je dois mettre mes idées en ordre, avoir un discours fluide, tout en continuant à faire semblant d’être à l’aise dans ce qui me semble être une comédie sociale.
Il m’est très difficile de me concentrer sur mes idées et ma façon de les formuler tout en regardant mon interlocuteur dans les yeux. C’est un exercice éreintant, et je ressors en général épuisée de ce genre d’interactions.
Avec mon entourage proche c’est un peu différent.
Je les regarde souvent dans les yeux quand ils parlent, c’est presque devenu un réflexe… Mais parfois mon esprit s’éloigne et je dois le ramener à ce qu’il se passe ici et  maintenant.
D’autres fois, quand je parle, peut-être ne l’ont-ils pas remarqué, mais je ferme les yeux, ou je regarde ailleurs.
J’ai le regard fuyant.
Pourtant je ne fuis pas la situation, bien au contraire, c’est le seul moyen pour moi de me concentrer intensément sur ce qui est en train de se passer et de se dire.
J’ai parfois l’air d’une menteuse j’imagine, d’ailleurs ça m’a déjà joué des tours dans ma vie.
Pourtant j’en ai vu des gens mentir effrontément en regardant dans les yeux et en souriant de toutes leurs dents.
Pourrait-on en finir un jour avec cette idée reçue que quelqu’un qui ne soutient pas le regard de l’autre est forcément malhonnête ?
En ce qui me concerne, c’est toute cette comédie, ces conventions sociales futiles, qui me semblent malhonnêtes. Peut-être parce que je ne les comprends ni ne les maîtrise. Peut-être aussi parce que j’ai tendance à privilégier l’authenticité dans mes relations.
Et vous, vous êtes à l’aise avec ces conventions ?

L’aspie-rateur… ou la sensibilité envahissante

Oui je sais. Premier article et j’attaque déjà avec un humour plus que douteux…

Comme entrée en matière, il y a certainement mieux, mais un jeu de mots à la fois aussi naze et pertinent, c’est plus fort que moi, je ne peux pas résister ! 

Pourquoi donc prendrais-je le risque de saborder mon blog dès le premier article avec ce titre ? Ne fuyez pas, l’explication arrive.

  • Aspie pour Asperger, un petit surnom que beaucoup d’autistes Asperger aiment à se donner. Je ne vais pas détailler ici les particularités du syndrome d’Asperger, peut-être le ferai-je un jour, mais ce n’est pas l’objet de cet article. Je vous invite à visionner la vidéo de Julie Dachez ici, et à parcourir son blog que j’aime beaucoup! A lire également cet article d’Alexandra Reynaud, et son livre Asperger et fière de l’être: Voyage au coeur d’un autisme pas comme les autres.
  • Rateur tout seul ça ne veut rien dire, je vous l’accorde, d’où l’importance du Oh God kill me I’m so funny superbe jeu de mots.

Bref, c’est là que je commence à vous raconter un peu ma vie, et une de mes particularités, que j’ai tendance à fortement associer au syndrome d’Asperger. Je suis un vrai aspirateur… ou aspie-ratrice, c’est plus joli à l’oreille, et ça contente mon côté féministe.

Sur plein d’aspects en effet, j’aspire, j’absorbe, ce qui m’entoure. J’ai beau le savoir, c’est incontrôlable. Quelques exemples pour vous aider à comprendre :

Quand je passe un peu de temps avec quelqu’un; quelques heures suffisent en général, je repars invariablement avec une partie de ses expressions, ses tics de langage, sa façon de s’exprimer, parfois même sa gestuelle. Je ne le fais pas exprès, j’ai beau m’en rendre compte, c’est quelque chose que je n’arrive pas à contrôler. Cela fait déjà quelques temps, bien avant d’entendre parler du syndrome d’Asperger, que je me suis rendue compte que la plupart des expressions et mimiques que j’utilise dans les situations sociales ne m’appartiennent pas. Je sais par exemple que j’ai pris ce « ouais ? » interrogatif d’une ancienne camarade de lycée, ou ce hochement de tête encourageant de la personne qui m’a fait passer mon premier entretien d’embauche, sans parler de toutes ces mimiques glanées ici ou là. Je ne suis  pas un robot, loin de là, et la plupart du temps je suis intéressée, voire très intéressée, par ce qu’on me raconte. Mais j’ai fini par comprendre que mon mutisme apparent et ma poker face pouvaient être interprétés comme un manque d’intérêt.

Je m’imprègne énormément des ressentis des autres – le manque d’empathie des autistes on en reparlera! – et c’est parfois très dur à vivre. Il m’est souvent parfois arrivé de passer pour quelqu’un de froid car quand quelqu’un de mon entourage semble ne pas aller bien, je ne lui demande pas forcément si ça va ou si elle/il veut en parler. Non par manque de compassion, mais parce que je m’implique tellement émotionnellement que j’en ressors souvent psychologiquement et physiquement épuisée, et avec le moral à zéro.                

Malgré ça, j’ai beaucoup de mal à ne pas m’impliquer. J’ai tendance à m’impliquer outre mesure dans des problèmes qui ne sont pas les miens, au risque d’être parfois envahissante sans forcément m’en rendre compte, pour peu qu’ils concernent mon entourage proche. Dans ces cas-là j’ai tendance à croire que j’ai  l’énergie et les moyens nécessaires pour les aider, voire les décharger complètement de leurs problèmes… et je finis presque invariablement par me ramasser.

Cette hypersensibilité ne se limite pas aux gens que je connais. Il m’a fallu plusieurs années de travail à Paris pour m’endurcir un peu et arrêter de fondre en larmes à chaque fois que je croise un SDF, et je ne regarde jamais les infos, ça me révolte et m’angoisse autant que ça m’attriste. Je fais ce que je peux, j’essaie d’apporter ma petite goutte à l’océan, mais ça me déprime profondément de ne pas pouvoir en faire plus, et prendre de la distance est pour l’instant le seul moyen que j’ai trouvé de me préserver un peu.

Malgré tout, je ne peux m’empêcher d’aimer cette hypersensibilité qui me semble souvent trop envahissante.

Je vous parlerais bien aussi des bruits, des cris, de la lumière vive, des odeurs, bref, de tous ces stimuli sensoriels qui ne semblent pas grand chose pour la plupart des gens mais me font souvent vivre un enfer, mais ça fera certainement l’objet d’un autre article.

En attendant prenez soin de vous et à bientôt!