La brioche c’est la vie

Presqu’un an et demi que je n’ai pas écrit ici. Presque un an et demi que je n’avais pas écrit tout court, jusqu’à il y a peu. J’en avais perdu le goût.
Beaucoup de choses ont changé depuis.
La première, et non des moindres, est que, pour la première fois depuis des années, je vais bien. ça n’a l’air de rien comme ça, mais quand je regarde dans le rétro les 2 dernières années, j’ai l’impression d’avoir traversé l’enfer et d’y avoir survécu.
Bien sûr, mon entourage n’y a vu que du feu, mon sacro-saint contrôle sur moi-même vous disais-je dans un article précédent… Mais la vérité c’est que j’étais au bord du gouffre et que je me sentais de plus en plus aspirée.
Un jour un psychologue m’a dit, au bout de plusieurs heures de consultations hebdomadaires, que, même s’il se manifestait à la toute dernière minute, j’avais un instinct de survie très fort. Je commence à croire qu’il avait raison. Je peux descendre très très bas. Je peux aller très très loin dans le déni. Mais, jusqu’ici en tous cas, je finis toujours par ouvrir les yeux au « point juste avant impact », juste avant le moment où la situation pourrait me tuer, psychologiquement en tous cas. Et une fois ce cap passé, prendre les décisions nécessaires pour me sauver est presque d’une facilité déconcertante.
C’est ainsi que j’ai pris, à peu près en même temps, deux décisions qui, quelques mois plus tôt encore, m’auraient pétrie de terreur.
J’ai quitté mon emploi et mon mec, la personne avec qui je partageais ma vie depuis plus de 3 ans.
J’ai mis du temps, mais j’ai compris que cet emploi, et les contraintes de transport qui allaient avec, étaient en train de me tuer.
J’ai mis encore plus de temps à réaliser que j’étais depuis plus de 3 ans dans une relation toxique, malsaine, pleine de mensonges, d’emprise et de manipulation. Cela a été très long pour moi de l’admettre, pourtant les signes étaient là, très clairs, dès le début. Je suis très douée pour le déni. Mais une fois que j’avais ouvert les yeux, il n’y avait plus de retour en arrière possible, et je me suis fait une promesse : plus jamais. Plus jamais je ne me laisserai piétiner.
Je ne vais pas vous mentir, la rupture n’a pas été facile. Je n’ai eu aucun doute. Mais le plus dur a été de cohabiter avec lui pendant les 3 mois qu’il a mis à trouver un logement, de voir ses manœuvres pour ce qu’elles étaient réellement, maintenant que j’avais retiré le masque du déni. D’ailleurs je suis persuadée qu’il serait encore là si je n’avais pas mis une deadline à cette cohabitation.
Alors oui, ça a été très dur, invivable par moments. Mais je me suis découverte des ressources que je ne soupçonnais pas. J’ai découvert que je pouvais tenir ma promesse. Que plus jamais il ne me piétinerait, ni personne d’autre.
Pourtant le jour où il est parti, j’ai pleuré, à chaudes larmes, un craquage total comme il m’en arrive très rarement. Et comme à chaque fois, je ne l’ai absolument pas vu venir. Il a passé le pas de la porte, je suis allée prendre ma douche, et tout s’est fissuré pendant que l’eau coulait sur mon corps. Je suis sortie et me suis effondrée sur le carrelage de la salle de bain, incapable de me relever pendant de longues minutes. Je ne l’ai pas pleuré lui. C’est moi que j’ai pleuré. Parce qu’encore une fois j’avais tout donné, jusqu’à me perdre, pour quelqu’un qui n’en valait pas la peine. Parce qu’encore une fois j’avais mis toute mon énergie à ne pas voir la personne qui vivait à mes côtés comme ce qu’elle était réellement : une personne toxique qui me pompait toute mon énergie et mon optimisme. Parce qu’encore une fois j’avais perdu un temps précieux à essayer de rendre quelqu’un heureux en perdant totalement de vue mon propre bonheur et mon bien-être. Parce que je m’étais mise en danger et que j’avais attendu la dernière minute pour réagir.
Mais je vais bien. Et j’ai recommencé à aller bien relativement vite. Il y a d’abord eu le soulagement, puis le plaisir d’être seule chez moi, à redécouvrir mon espace, un espace, physique et mental, que je n’avais plus à partager. Le plaisir de me sentir libre à nouveau, pas libre dans le sens célibataire, mais réellement libre. Le plaisir de ne plus évoluer dans un climat de suspicion permanente. Les personnes toxiques sont souvent d’une telle jalousie et d’une telle possessivité qu’on finit soi-même par se sentir coupable alors qu’on se sait innocent.e. Une sacrée performance à vrai dire.
Et puis j’ai eu envie de faire à nouveau des rencontres, pour le fun. Pas d’engagement, surtout pas d’engagement. Alors pour la première fois de ma vie je me suis inscrite sur un site de rencontres. Au bout de 3 semaines et suffisamment de déconvenues, j’étais prête à supprimer l’application, ce n’était définitivement pas pour moi.
Et puis je l’ai rencontré lui. Une rencontre improbable, atypique, mais une très belle rencontre. La lune et le soleil.
On est très vite tombés amoureux. Tout est allé très vite entre nous. Et pourtant, d’une certaine manière, on prend notre temps, parce qu’on ne veut surtout pas gâcher cette relation qui nous semble pleine de promesses.
J’ai tellement peur de retomber dans mes travers, de foncer tête baissée en m’oubliant totalement que je veille au grain. Je fais des pauses sur le chemin, pour réfléchir. Pas sur mes sentiments ni sur notre histoire, je n’ai aucun doute là-dessus, mais sur moi et ma façon d’être. Je me rappelle régulièrement que même si à l’heure actuelle j’ai envie de passer tout mon temps libre avec lui, je dois aussi me ménager du temps pour moi, pour me ressourcer, parce que maintenant je sais, et j’accepte, que j’en ai besoin. Et je sais aussi que c’est ce qu’il y a de mieux à faire pour que cette relation marche. Je fais des pauses aussi pour réfléchir à ce que je ressens, et je lui en parle, même si ce n’est pas toujours agréable. ça n’a l’air de rien comme ça, mais c’est tellement aux antipodes de ma façon de fonctionner habituelle que c’est un pas énorme pour moi.
Je suis plus alerte aussi, pas méfiante mais alerte. A l’écoute du moindre signe qui pourrait me faire comprendre, avant le fameux « point juste avant impact », que ça pue. Pour l’instant il n’y en a pas, et je me détends de plus en plus. Je n’arrive même plus à me rappeler la dernière fois où je me suis sentie aussi sereine.
Pour la première fois de ma vie je suis à l’écoute de ce que je ressens, et je m’autorise à être moi-même, à enlever mon masque. Petit à petit j’apprends à ne plus faire le caméléon. Bien sûr ce n’est pas si simple, et je dois régulièrement me faire violence pour comprendre et exprimer ce que je ressens, en prenant le risque (apparemment présent dans mon esprit uniquement) de voir celui que j’aime se détourner de moi. Mais j’ai arrêté d’arpenter un chemin qui n’était pas le mien, et ça, ça n’a pas de prix. Pour le reste il y a Eurocard Mastercard – seuls les vrais (et les vieux) savent 😉
A la base je voulais écrire un article sur comment on appréhende les nouvelles rencontres amoureuses quand on se sait autiste, et finalement je vous ai raconté ma vie et je me suis livrée plus que je ne le pensais, pour changer. Mais ce blog n’a jamais eu vocation à parler de l’autisme au fond, juste de mon parcours depuis que je sais que je suis autiste.
Alors je conclurais bien par « et ils furent heureux jusqu’à la fin de leurs jours » mais la vérité c’est que j’en sais rien, et qu’au fond je m’en fous un peu. Tout ce que je sais c’est qu’à l’instant T je suis heureuse et amoureuse, et ça me suffit pour le moment, parce que c’est quelque chose que j’ai appris à apprécier. Et ça aussi c’est très nouveau pour moi.
Alors je conclurai plutôt comme ça : ce soir j’ai eu envie de me mettre aux fourneaux pour faire une brioche, pas par obligation mais parce que j’en avais envie, et d’écrire un article dans mon blog. Ce soir, et depuis plusieurs semaines, j’ai en.vie.

Self control envahissant – Let me introduce you my new « friend » Alex!

J’ai évoqué dans mon dernier article le degré de contrôle que je suis capable d’avoir sur moi-même. 

C’est quelque chose qui m’a été fort utile tout au long de ma vie, mais qui est parfois très lourd à porter.

Je ne sais pas à quel moment exactement je me suis dit que je devais me contrôler, ne pas laisser paraître certaines choses aux yeux de tous, en toutes circonstances. J’imagine que ça doit remonter à l’enfance, et je suis presque sûre que cette boule de nerfs que j’ai constamment au creux du ventre a du apparaître à peu près au même moment que cette résolution, consciente ou non.

Depuis que j’ai eu mon pré-diagnostic, j’en découvre tous les jours sur moi et ma façon de fonctionner. J’ai l’impression que chaque jour m’amène un nouveau mot décrivant à la perfection les maux que je ressens depuis toujours, sans toutefois avoir réussi à les décrire moi-même jusqu’ici.

Le mot du jour est alexithymie.

Définition Wikipedia : 

L’alexithymie est une difficulté à identifier, différencier et exprimer ses émotions, ou parfois celles d’autrui. Ce trait de personnalité est communément observé parmi les patients présentant des troubles du spectre autistique et des symptômes psychosomatiques.

Le terme (tiré du grec a : préfixe privatif, lexis signifiant « mot » et thymos signifiant « humeur ») a été introduit en 1970 par John Nemiah et Peter Sifneos.

Je vous invite à vous renseigner plus avant si ce sujet vous intéresse. 

Mais comment cette alexithymie et le contrôle que j’exerce constamment sur moi-même influencent-elles ma vie au quotidien ?

La plupart du temps, je suis incapable de dire ce que je ressens, tout simplement parce que je ne sais pas ce que je ressens, ni pourquoi je le ressens. J’ai souvent envie de pleurer, je suis même parfois au bord des larmes, mais je suis bien incapable de m’expliquer, et encore moins d’expliquer aux autres, pourquoi. C’est perturbant. Et c’est la même chose pour toutes les émotions. J’ai toutes les répercussions physiques de ces émotions, mais comme je ne sais pas forcément d’où ça vient, ça engendre chez moi un petit côté hypocondriaque qui va me faire penser que là j’ai un malaise parce qu’il y a un truc qui déconne dans mon corps.

Tout comme les conventions sociales, je suis obligée de réfléchir, analyser voire décortiquer mes émotions et sentiments pour savoir pourquoi je les ressens. 

Et ma réponse à ces émotions est, elle aussi, intellectualisée et, de fait, non naturelle.

Là où ça devient particulièrement vicieux c’est quand le contrôle que j’ai sur moi-même et l’alexithymie se liguent pour me faire agir de façon totalement opposée à ce que je ressens.

Je suis quelqu’un de très rationnel, j’analyse tout, en permanence, et je comprends mieux pourquoi maintenant.

Pour vous donner un aperçu du genre de comportements que ce duo d’enfer peut me faire adopter, voici un exemple de réaction rationnelle que j’ai pu avoir par le passé, mais qui était en totale négation avec ce que je ressentais.

Un de mes ex, avec qui j’avais rompu une ou 2 semaines plus tôt, et une de mes amies, assez proche à l’époque, ont eu une aventure. Cet ex et moi nous sommes remis ensemble 2 mois plus tard, et j’ai eu vent de cette aventure sans que ni l’un ni l’autre ne me le dise. Je ne vais pas mentir, ça m’a profondément blessée. J’ai eu mal, physiquement même. J’ai réfléchi à tout ça, de façon rationnelle, et j’en ai rapidement conclu que je n’avais rien à dire, et implicitement rien à ressentir, à ce sujet puisque, de toute façon, « on était séparés »!! 

Break

Je ne m’autorise pas à avoir de réaction qui ne soit pas, à mon sens en tous cas, rationnelle. Et, ce qui est encore plus problématique, je ne m’autorise pas non plus à ressentir une émotion provoquée par une réaction qui me semble irrationnelle.

J’ai donc passé toute ma vie à nier une bonne partie de mes émotions parce que, comme vous tous, je suis humaine. Mais je ne m’autorise que très rarement à l’être.

Le problème c’est qu’un tel contrôle a, tôt ou tard, des effets dévastateurs.

 Je ne vais pas vous infliger la liste des symptômes physiques que je soupçonne d’être directement liés à cette mauvaise atypique gestion des émotions.

Alors voilà, à 34 ans je me retrouve là, avec un trop plein d’émotions accumulées, sans savoir d’où elles viennent ni ce qu’elles signifient. Et, plus important encore, sans savoir quoi en faire.

Il y a quelques années, j’ai eu quelques soucis de santé. Il m’arrivait d’avoir des malaises, d’avoir l’impression d’être sur le point de tomber dans les pommes, mais sans jamais aller jusqu’à m’évanouir. Quand j’en ai parlé à mon docteur, il m’a dit en riant « Ah mais en fait le souci c’est ça! Vous voulez tomber dans les pommes mais vous y arrivez pas! »

What

Non… et oui! Comme je le lui ai expliqué, j’espérais naïvement que si je tombais dans les pommes une bonne fois pour toutes, ça passerait et que je pourrais passer à autre chose.

Ok, je sais ce que vous vous dites : mais pourquoi elle nous raconte tout ça ???

Parce que j’essaie de faire une métaphore maladroite…

Aujourd’hui, à l’intérieur de moi, c’est un véritable raz de marée… et la marée monte, de plus en plus…

Putain mais merde arrête avec tes métaphores pourries…

Bref, j’ai ce trop plein d’émotions, et un tel contrôle sur moi-même, un contrôle que je ne contrôle même plus (oui moi aussi ça me pique les yeux quand je me relis), que je ne sais absolument pas comment les extérioriser. J’attends ce moment, j’en rêverais presque, ce moment tellement humain où tu ne gères plus rien et que tu pètes un plomb, une bonne grosse crise où tout sortirait n’importe comment, mais au moins ça serait dehors. Et après… enfin… le calme après la tempête… 

Et hop, tranquillou Milou je retombe sur mes pattes avec ma métaphore de merde!

Aujourd’hui j’ai l’impression d’être juste au bord du précipice, penchée dangereusement, mais pas suffisamment pour tomber. Mais je n’arrive pas à reculer non plus, à me maintenir à une distance raisonnable. Non, je suis sur la tangente des émotions, et j’ai l’impression que j’occuperai cette place pour toujours.

Comment on fait pour extérioriser ces émotions quand on ne les comprend pas ? Quand on ne sait même pas exactement ce que l’on ressent ni pourquoi ? Quand on est tellement rationnel qu’on ne s’autorise pas à ressentir des choses qui nous semblent irrationnelles ? Vous avez des pistes ?

Shut the fuck up you son of a bitch!!!!

Y a des jours comme ça où on a l’impression que tout va de travers, avant même le saut du lit…

Des jours où on croit avoir des réponses, et où on comprend aussi que ces débuts de réponses amènent également leur flot d’interrogations…

Des jours où on se rend compte que le diagnostic d’autisme explique beaucoup de choses, mais peut-être pas tout…

Je vais partager avec vous les conclusions de mes résultats au WAIS IV, fait dans le cadre de mon diagnostic d’autisme, et qui permet de mesurer le QI et de détecter le Haut Potentiel Intellectuel.

Je vous invite également à vous renseigner sur le sujet, qui a bonne presse, ça passe toujours mieux en société de dire « je suis surdoué/HPI » que « je suis autiste », mais de l’intérieur c’est pas aussi fun qu’on pourrait le croire.

Résultats globaux

Mme Machin obtient un quotient intellectuel total (QIT) de 120 qui n’est pas interprétable compte tenu à la fois d’une hétérogénéité inter-échelle et intra-échelle.

Les résultats obtenus aux 4 indices, la situe entre un niveau moyen et un niveau très supérieur à la moyenne obtenue par les personnes de son groupe d’âge.

Mme Machin obtient des indices de compréhension verbale (ICV) de 118, un Indice de Raisonnement Perceptif (IRP) de 104, de mémoire travail (IMT) de 143 et de vitesse de traitement (IVT) de 100.

Une différence significative est relevée entre l’Indice de Mémoire de travail et les autres indices compte tenu du résultats la situant à un niveau très supérieur. Une hétérogénéité entre les autres indices est également relevée. Les indices de Compréhension Verbale (ICV) et de Mémoire de Travail particulièrement qui sont significativement supérieurs aux autres indices.

 

  • Comparaison des différences

Il existe des différences significatives à.05 entre :

– l’ ICP et l’ IRP= 14 points

– L’ICV et l’IMT= 25 points

– l’ ICV et l ’IVT= 18 points

– l’ IRP et l’ IMT= 39 points

– l’ IRP et l’ IVT= 43 points

Graph

Conclusion de la WAIS IV :

Mme Machin présente un développement intellectuel hétérogène inter-indice et intra-indice avec des points forts et des hypercompétences à l’indice de Compréhension Verbale et de mémoire de travail. Des faiblesses sont notées dans son développement personnel en ce qui concerne les épreuves « cubes, matrices et codes ».

Alors voilà, mes résultats ne sont pas interprétables car ils sont trop hétérogènes. Je ne sais pas donc, et ne saurai certainement jamais ce qu’il en est exactement.

Ce que je sais c’est que j’en ai ma claque de penser, réfléchir, décortiquer, intellectualiser tout et tout le temps.

J’en ai ma claque d’avoir la tête en ébullition dès le réveil, et même avant.

J’en ai ma claque de cette sensation de ne pas réussir à avancer, parce que je ne peux pas oublier toutes ces choses, même les plus minimes, qui me sont arrivées, tout en me projetant systématiquement loin devant, la tête pleine de questionnements divers et variés.

J’en ai ma claque de ce hamster qui tourne et tourne dans ma tête, sans aucun répit, jamais.

J’en ai ma claque de cette pensée en arborescence que je ne contrôle ni ne maîtrise.

Y a des jours comme ça où dès le matin j’ai l’impression d’avoir la fatigue de toute une vie harassante derrière moi…

Et, c’est souvent dans ces jours-là que j’ai l’impression que l’univers tout entier se ligue contre moi…

Alors voilà, tu te réveilles un lundi matin, déjà c’est pas fun, et tu repousses le réveil 3 fois, mais tu t’endors pas, non, la foutue machine à penser est là pour t’en empêcher! T’es pas encore sortie du lit que tu as déjà réfléchi au fait que, quand même, depuis le temps que tu en es convaincue, il serait temps que tu passes à l’action et que tu deviennes réellement végane dans les faits, tu imagines des recettes, penses à la façon dont tu pourras t’organiser pour les repas, etc… Et puis tu penses à la chambre de ta fille que tu veux réaménager, à comment tu pourrais le faire, quelle type d’armoire lui acheter, que faire de l’ancienne qui pèse une tonne, comment la démonter, où s’en débarrasser, etc… Tu penses aussi aux billets de train que tu dois acheter pour emmener tes enfants chez leur grand-mère pendant les vacances de février, et puis tu te rappelles que ta mère t’a appelé hier et que tu ne l’as pas rappelée, qu’il faudrait que tu le fasses même si tu ne te sens pas à l’aise avec le téléphone… Tu penses que tu dois absolument trouver des cadeaux pour tes neveux, nièce et frères et sœur que tu vois le week-end prochain, tu te demandes ce qui pourrait leur plaire et passe plusieurs idées en revue dans ta tête. Tu penses à ta vie, à ce qu’elle est, au fait que tu es autiste et qu’il va falloir que tu t’y habitues. Tu penses à tes enfants qui sont chez leur père, à ces particularités que tu as détectées chez eux, et au fait que tu dois planifier un rendez-vous avec leur père pour parler plus en profondeur de tout ça. Et puis tu penses aussi aux filles de ton compagnon, à leur comportement passé envers toi, que tu mets toutes tes forces à oublier, en vain. Tu penses aussi que l’heure tourne, que tu vas devoir faire l’impasse sur le maquillage ce matin. Tu penses au maquillage que tu as commandé la semaine dernière car il était en promo, tu te demandes avec une pointe de culpabilité si c’était bien nécessaire. Tu visualises le trajet qui t’attend, et ça te fatigue encore plus. Tu penses à toutes ces améliorations que tu souhaites faire dans ta vie, tous ces grands idéaux que tu souhaites mettre en oeuvre pour être, enfin, bien dans tes pompes. Tu te demandes si tout ça est bien compatible avec ton fonctionnement, si tu n’es pas en train de te battre contre des moulins. Tu penses à ce truc qui te tient à cœur depuis toujours, l’écriture, et que tu n’as jamais pris le temps (ni le courage) de mettre en oeuvre. Tu passes en revue quelques sujets potentiels de romans, et tu te demandes, une fois de plus, si tu en es capable. Et puis tu penses à ton blog, à quel sujet tu pourrais aborder dans ton prochain article. Tu penses à ce client que tu dois absolument appeler aujourd’hui. Tu te demandes pour la énième fois si tu iras à la fête annuelle de l’entreprise ou non, tu dresses une liste mentale des pour et des contre, pour la centième fois. Tu te dis pour la quinzième fois qu’il faut que tu sortes du lit.

Tu poses un pied par terre, ton réveil a sonné il y a 15 minutes, et tu es déjà épuisée.

Mais la journée ne fait que commencer. 

Tu cours sous la douche, où tes pensées s’emballent encore plus, comme galvanisées par le flot de l’eau qui coule sur ton corps. Tu repenses à l’article que tu as lu hier soir sur la synesthésie, et dont un des exemples t’a frappée car il décrivait exactement ta manière de voir les choses. Tu te dis qu’il faut que tu creuses ce concept que tu ne maîtrises pas, mais que tu pressens devenir une obsession qui ne te lâchera que quand tu l’auras épuisé. Tu mets ça sur ta To Do List mentale, qui n’est pas longue comme le bras, mais longue comme tous les bras du monde mis bout à bout. Tu penses à ton père, mort depuis 11 ans, et tu te demandes à quoi il ressemblerait aujourd’hui. Et puis tu ressens une vague de tristesse qui essaie de t’emporter quand tu réalises que tu es incapable de te figurer mentalement à quoi il ressemblait à l’époque (pour mieux comprendre pourquoi c’est ici).  Mais tu résistes, tu ne veux pas te laisser emporter. Tu penses alors à ta meilleure amie que tu n’as pas vue depuis quelques temps et qui te manque, qu’il faudrait que tu la contactes pour organiser un truc. Tu penses à ces bruits de dispute que tu as entendu cette nuit et qui semblaient provenir de la rue. Tu te demandes s’ils étaient bien réels ou si tu les as imaginés. Tu penses à toutes ces agressions qui ont lieu chaque jour, à tous ces viols notamment. Tu as peur, mais tu t’insurges que les rues ne soient pas plus sûres, particulièrement pour les femmes. Tu repenses à cette tribune anti-féministe que tu as lu il y a quelques jours et qui te met hors de toi. 

Tu sors de la douche, aperçois ton reflet et tu te dis que, décidément, tu ne fais pas « ce que tu veux avec tes cheveux ». Tu te demandes comment font ces femmes qui ont l’air toujours bien coiffées, bien maquillées, sûres d’elles, et tu les envies.

Tu fermes les yeux et tu hurles mentalement à ton cerveau : 

SHUT THE FUCK UP YOU SON OF A BITCH!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Mais bien sûr ça ne marche pas, ça ne marche jamais. Et tu es vite rattrapée par ta culpabilité parce que tu as conscience de la chance que tu as dans la vie, et puis tu penses à tous ces mendiants que tu croises tous les jours en allant bosser, et ça te fend le cœur. Tu te demandes ce qu’on a loupé dans l’évolution de notre société pour qu’il y ait un tel fossé entre les individus.

Tu sors de chez toi, tu vas prendre ton bus, puis ton train, puis le métro, mais ça ne s’arrête pas. Tu penses tu penses tu penses, et tu penses même au fait que putain c’est fatigant de penser sans cesse et que tu donnerais beaucoup pour trouver ce putain de bouton pause. Mais il n’existe pas.

Et puis le hasard fait que ce jour-là certains trains sont supprimés. Tu te retrouves entourée d’inconnus, bien plus près que ce que tu peux supporter. Tu te sens mal, physiquement, du mal à respirer et une boule de nerfs dans le ventre. Et une boule dans la gorge aussi. Tu réalises à ce moment précis seulement que tu es à 2 doigts d’éclater en sanglots depuis que tu es sortie de chez toi ce matin. Mais tu ne sais pas pourquoi. Parce qu’une de tes particularités c’est d’être incapable de comprendre tes émotions. Tu ressens des choses, mais tu ne sais pas quoi exactement, ni pourquoi. Tu finiras par le savoir, plus tard, après parfois plusieurs heures d’intellectualisation et d’analyse.

Mais tu ne pleures pas, non. Au bout de 34 ans de vie sur terre, tu as atteint un niveau de contrôle sur toi-même impressionnant. Tu as appris à donner le change avec un tel aplomb que tu mériterais un césar pour ça. Tu imagines, avec un petit sourire, la scène, et le discours de remerciement que tu ferais. Et tu te dis, pour la millionième fois dans ta vie « Oh putain je me fatigue! ».

Tu te retrouves dans la rue, enfin. Chose assez rare tu décides de mettre ton casque, avec de la musique à fond. Tu ne supportes plus les bruits tout autour de toi, et le seul moyen que tu as trouvé jusqu’ici pour les noyer quand tu n’en peux plus, c’est d’écouter du métal à fond, ou Cypress Hill. Ce matin tu optes pour Cypress Hill.

Tu arrives au boulot, et tu te rends compte que ce matin tu es à 2 doigts du malaise parce que tu te retrouves coincée avec 4 personnes dans l’ascenseur et que tu as à peine la force de dire bonjour. Alors tu t’assoies, tu mets ton casque, Cypress Hill à fond, et tu te mets au boulot. Malgré le boulot, malgré la musique, le petit hamster continue sa course folle et stérile dans ta tête.

 

Prosopagnosie… ou l’épiphanie dans l’ascenseur

Bonjour à vous mes chers lecteurs!

Tout d’abord, une bonne nouvelle : j’ai (enfin!) reçu le compte-rendu de mon bilan de tests neuropsychologiques! C’est sans appel, je suis bien autiste Asperger! Reste à faire valider par le psychiatre puisque seul un médecin est habilité à poser le diagnostic officiel.

Sinon, j’ai eu une épiphanie aujourd’hui! J’aime beaucoup ce mot dont la définition Wikipedia est la suivante:

L’épiphanie (du grec ancien ἐπιφάνεια, epiphaneia, « manifestation, apparition soudaine ») est la compréhension soudaine de l’essence ou de la signification de quelque chose.

J’étais dans l’ascenseur, en partant du travail, avec une de mes collègues que je côtoie depuis environ un an. Elle me dit « Ah tu t’es coupé les cheveux, ça te va bien! » et je lui réponds « Merci… » et là le blanc total! J’ai réalisé seulement à ce moment-là que je ne pouvais pas l’appeler par son prénom car, depuis un an à les croiser tous les jours, je ne suis pas foutue de les différencier elle et sa collègue du même service. En fait, ce qui est troublant c’est qu’elles ne se ressemblent pas particulièrement, si ce n’est qu’elles ont toutes les deux des lunettes et la même couleur de cheveux, et puis quand elles sont ensemble, je suis à peu près capable de dire qui est qui, mais séparément je n’y arrive tout simplement pas!

Et là, d’un coup, une autre pièce du puzzle qui se met en place. Un mot que j’ai croisé à plusieurs reprises lors de mes différentes lectures sur l’autisme et sur le quel je ne me suis jamais vraiment attardée me revient à l’esprit : prosopagnosie. Autrement dit, et toujours selon Wikipedia :

La prosopagnosie est un trouble de la reconnaissance des visages. C’est une agnosie visuelle spécifique rendant difficile ou impossible l’identification ou la mémorisation des visages humains. Le prosopagnosique est généralement capable de reconnaître les personnes en recourant à certains subterfuges, comme l’identification visuelle par l’allure générale (démarche, taille, corpulence) ou à des détails comme un vêtement familier, la coiffure, une barbe, une tache de naissance ou des lunettes. Il peut aussi, bien entendu, reconnaître une personne à l’aide d’autres sens que la vue : à sa voix, à son odeur, à sa poignée de mainetc.

Et là d’un coup, toutes ces choses qui font tilt :

  • Cette fois où j’ai dit à un copain de mon fils, qui était aussi mon ancien voisin : « Bonjour Machin, comment ça va ? » et qu’il m’a répondu « ça va très bien mais je suis pas Machin, moi c’est Truc »… J’étais pourtant sure de mon coup… Pour les avoir vus ensemble plus tard, il se trouve qu’ils ont la même couleur de cheveux et à peu près la même coupe.
  • Toutes ces fois où je vais chercher mes enfants à la garderie et où j’ai un petit coup de panique de ne pas les reconnaître de suite parmi tous ces enfants.
  • Pourquoi je confonds systématiquement, et depuis toujours, France Gall (paix à son âme), Sylvie Vartan et Véronique Sanson, ou bien Virginie Ledoyen et Marie Gillain, etc, etc… J’en ai plein des comme ça!
  • Toutes ces fois où je suis passée à côté de quelqu’un que je connaissais sans le reconnaître, tout simplement parce qu’il/elle n’était pas dans le contexte habituel où je le côtoyais.
  • Pourquoi je n’arrive quasiment pas à différencier les adolescent-e-s les un-e-s des autres. Faut dire qu’ils me facilitent vraiment pas la tâche en se baladant en meute et en faisant tout, vestimentairement et capillairement parlant, pour rentrer dans un seul et unique moule!
  • Pourquoi je suis totalement incapable de me représenter mentalement le visage des gens que je côtoie pourtant quotidiennement… même mes enfants, mon compagnon, ma famille et mes collègues… 
  • Pourquoi je suis totalement perdue quand on me demande de décrire quelqu’un… Je ferais un piètre témoin.
  • Toutes ces fois où j’au buggué pendant quelques secondes en croisant une connaissance à un endroit où je ne m’attends pas à la croiser… Oui ben t’es gentil Jean-Michel, mais d’habitude y a deux bureaux et deux écrans entre nous, pas un un caddie rempli de patates, alors là, sans mes repères habituels, j’ai un peu du mal à te remettre!
  • Toutes ces fois où je dois rejoindre des amis à un endroit et que je suis sur le qui-vive de peur de les louper. 
  • Toutes ces fois où on m’a dit « Salut ça va ? » et que j’ai répondu « Bien et toi ? » et que dans ma tête c’était juste « Putain de bordel de merde!! C’est qui déjà??? »

Liste non exhaustive…

Ce qu’il faut savoir, c’est que tous les autistes ne sont pas atteint de prosopagnosie, et tous les prosopagnosiques ne sont pas autistes. Mais surtout, ce qu’il faut retenir, le plus important dans tout ça, c’est que ça me fait au moins un point commun avec Brad Pitt! 😉

 

The dark side

J’ai un côté sombre. Un côté même très sombre dont peu de gens de mon entourage sont conscients tant je fais des efforts pour le combattre… ou pour faire semblant.

Pour vous donner une idée, j’ai souvent parfois l’impression d’évoluer dans des endroits sombres, de sentir comme une ombre sur moi et ce qui m’entoure, et de chercher perpétuellement la lumière. Parce que je la cherche cette lumière qui pourrait me sortir de là, j’y mets toute mon énergie, depuis toujours. Et parfois je la trouve, heureusement, mais je suis vite rattrapée par ce que j’appelle « mes démons ».

Et parmi les choses que je combats depuis toujours, s’il y en a bien une qui, aussi loin que je me souvienne, a toujours été là, c’est la dépression. 

Petite déjà, j’étais une enfant triste, angoissée, qui souriait peu, qui s’inquiétait pour tout, qui n’admettait pas l’injustice. Une enfant très renfermée.

J’ai commencé très tôt à somatiser cette angoisse : j’avais mal au ventre, très mal au ventre, et quand on me demandait de décrire cette douleur, tout ce que je pouvais dire c’est « j’ai une boule dans le ventre ». J’ai à l’époque vu beaucoup de médecins, ostéopathes, étiopathes, etc… qui en sont tous venus à la véritable conclusion : c’est nerveux.

Cette boule au ventre je l’ai toujours. L’intensité de la douleur varie, mais elle est toujours là. J’ai appris à l’accepter avec le temps, à la comprendre même. Elle est comme un baromètre qui me permet de comprendre et d’agir quand l’effondrement émotionnel guette. C’est peut-être grâce à elle que je n’ai jamais eu de grosse crise en public.

En privé c’est une autre histoire.

J’ai un souvenir très précis d’une crise d’angoisse que j’ai eu à l’âge de 15 ans. Il était 2 heures du matin, tout le monde dormait dans la maison, sauf moi. Ma mère était partie rendre visite à sa famille à l’étranger pour quelques semaines, mon père dormait dans sa chambre, juste à côté de la mienne. D’un coup je me suis sentie prise de vertige, de bourdonnements et de palpitations, j’avais le souffle court, sans comprendre pourquoi, mais avec une seule certitude : je ne passerais pas la nuit, j’allais mourir cette nuit-là et je ne verrais pas le matin. Je n’avais jamais été aussi sûre de moi de toute ma vie. Je n’avais jamais eu aussi peur non plus. Je me suis vue mentalement me ruer au chevet de mon père pour le réveiller en sanglotant et lui dire « Papa, aide-moi, je vais mourir ».

Mais je ne l’ai pas fait. Ma peur d’inquiéter mon père était, je crois, plus forte que celle de mourir. Et pourtant j’allais mourir cette nuit-là, c’était certain. Il me retrouverait morte dans mon lit au matin. J’ai ouvert la porte de sa chambre et je l’ai regardé dormir paisiblement. Je suis ensuite retournée dans ma chambre avec la ferme intention de ne pas m’endormir, parce que si je m’endormais, c’est sûr, j’y passais.

Je me suis réveillée le lendemain matin, la chambre inondée de lumière, en me demandant comment j’avais bien pu me mettre dans cet état-là, me persuader que j’allais mourir. Ce n’est que des années plus tard, il n’y a pas si longtemps à vrai dire, que j’ai compris que c’était une crise d’angoisse.

Celle-ci a été la plus impressionnante de toutes, mais il m’arrive encore parfois d’avoir des « effondrements émotionnels ». Ces effondrements paraissent souvent complètement démesurés de l’extérieur car l’élément déclencheur est généralement futile.

Un jour je me suis effondrée en sanglots incontrôlables dans le bac à douche parce qu’il n’y avait plus d’eau chaude. Je suis restée ainsi, assise, en pleurs, en me balançant légèrement, jusqu’à me calmer.

Un autre jour, dans ma cuisine, je me suis pris le coin du placard dans la tempe. J’ai jeté ce que j’avais dans les mains dans l’évier, j’ai couru dans ma chambre, folle de rage et pleine de sanglots, pour me réfugier, assise, dans le petit espace juste assez grand pour m’accueillir, entre l’armoire et le mur. J’ai laissé mes sanglots couler en me balançant légèrement, sans comprendre comment je pouvais me mettre dans des états pareils.

Plus récemment, je suis entrée dans une rage folle car le film que j’avais prévu de regarder le soir en rentrant chez moi ne fonctionnait pas. Dans ces moments-là je suis d’une mauvaise foi terrible, rien ne trouve grâce à mes yeux, et j’en ai conscience, c’est ça le pire. Je peux avoir des paroles très dures. Ma colère grandit, comme un nuage de fumée noire incontrôlable, et puis, d’un coup, sans savoir pourquoi ni comment, ça passe.

Avec le temps et le recul, j’ai fini par comprendre que ces petits déclics qui déclenchaient ces crises n’étaient que la goutte d’eau qui fait déborder le vase, que j’étais en surcharge émotionnelle, état que je décris dans cet article.

J’ai parlé de la dépression en début d’article. J’ai depuis des années un rapport très ambigu avec la dépression. Elle fait partie de moi, mais je la combats de toutes mes forces. J’essaie du moins, ce n’est pas toujours aussi simple. A certains moments de ma vie, chaque instant est un combat et, si je m’écoutais, je resterais prostrée au fond de mon lit, ce qui, loin de me faire du bien, accroît mon mal-être. Mais parfois je n’ai pas d’autre choix. Cela doit certainement paraître incompréhensible à des gens qui n’ont jamais connu ça, mais parfois il est juste tout bonnement impossible de se « mettre un coup de pied au cul », faire un effort, se motiver. C’est comme si une chape de plomb vous clouait au lit, vous empêchant de vous lever pour faire les choses les plus anodines.

La dépression et les angoisses, mes meilleures ennemies…

Et aujourd’hui, de nouveaux questionnements. 

La dépression et ces angoisses sont-elles les conséquences de mon autisme, ou plutôt de mon incapacité à m’adapter à la société, à ce qu’on attend de moi ?

Est-ce que, si j’apprends à marcher dans mes pompes, et non dans celles de cet autre personne que je me force à être et qu’on attend que je sois, je pourrai, enfin, m’en débarrasser ?

Ai-je une chance, un jour, de trouver la lumière, la vraie, celle qui pourrait tenir ces ombres à distance ?

La route est longue… Dans un autre article je vous parlerai de ma quête perpétuelle du bonheur, parce que, malgré tout, je me bats contre ces démons, et je ne perds pas espoir de remporter un jour la partie.

 

Life is a bitch, but I love that bitch !

8 Fun facts about me

  • Quand je pense à n’importe quel repère temporel, année, saison, mois, date, etc… je le vois dans ma tête sous forme de graphique :
    • La vie est représentée comme une longue ligne droite sur laquelle je me déplace en avançant dans l’âge, avec des repères tels que l’enfance, l’adolescence, et tous les 10 ans à partir de 20 ans.
    • L’année est un carré, chaque côté correspondant à une saison, où je vois précisément les mois.
    • Je vois les mois et les semaines comme des lignes droites plus courtes, où chaque jour a une représentation différente.

Quand j’imagine une date, ou que je m’imagine dans le passé ou le futur, je ne me visualise pas plus jeune ou plus vieille, je vois ce schéma.

  • A chaque fois que je vois un radio-réveil, ou n’importe quel appareil affichant l’heure de façon digitale, j’additionne systématiquement tous les chiffres ensemble, jusqu’à les réduire à un seul chiffre. En faisant ça on se rend compte que, dans cette configuration, le chiffre 9 est nul. Essayez et vous comprendrez.

 

  • Quand je regarde la télé ou que j’écoute la radio, ou que je baisse ou augmente le volume sur mon pc, je dois toujours le mettre sur un chiffre ou nombre pair, ou un multiple de 5, c’est la seule exception. Peu importe que le son soit parfait à 11, je mettrai 10 ou 12.

 

  • Quand je monte ou descends des escaliers, je compte systématiquement les marches. La plupart des escaliers intérieurs ont 14 marches.


  • Je repère quasi systématiquement les plus petites incohérences des films, séries et livres que je regarde.


  • Je ne supporte pas qu’on laisse les tiroirs ou les portes ouvertes.


  • J’ai un sens de l’orientation plus que déplorable. 


  • Je vois des odeurs et je sens des images… Et ça j’aurais beaucoup de mal à vous l’expliquer, je ne me l’explique pas moi-même…

La surcharge mentale

Vous avez certainement tous entendu parler du concept de la charge mentale, popularisé par la dessinatrice Emma dans sa magnifique BD « Fallait demander » que vous pouvez retrouver ici.

Je voudrais aujourd’hui vous parler d’un concept qui m’est extrêmement familier et que je nommerais la surcharge mentale.

J’ai toujours eu conscience, avant même d’entendre parler du syndrome d’Asperger, d’être un « caméléon social ». Je me suis toujours adaptée, à mon environnement, personnel ou professionnel, aux gens qui m’entourent.

Ce qui pourrait ici passer pour une imposture n’est en fait qu’un réflexe de survie sociale.

Très tôt je me suis rendue compte que j’étais différente, sans forcément pouvoir mettre des mots sur cette différence. Je n’ai pas les mêmes réactions, façons de penser, schémas de réflexion, centres d’intérêt, etc, etc… que les gens qui m’entourent. Contrairement à eux je ne suis pas à l’aise dans ce monde que je ne comprends pas toujours.

J’ai réalisé également très tôt que je n’assumais pas cette différence, que je ne voulais pas que le reste du monde s’en rende compte.

Alors je prends sur moi, depuis toujours, pour me faire passer pour quelqu’un que je ne suis pas, en continuant de me poser cette question : qui suis-je au fond ?

Je ne suis pas en train de dire que ma personnalité est une vaste imposture. Ceux qui me connaissent bien savent par exemple que j’ai mes propres opinions, parfois bien tranchées sur certains sujets, que j’assume plus volontiers aujourd’hui, même si elles ne sont pas partagées.

Mais je fais constamment des efforts dans les interactions sociales. Cela tient presque du réflexe aujourd’hui, mais l’effort est là.

Je fais aussi des efforts depuis toujours pour ne pas blesser les autres. Je réflechis sans cesse à ce que je vais dire, comment je vais le dire, comment ça va être reçu, interprété.

Je fais même des efforts pour paraître bien alors que je vais mal, parce que j’ai remarqué que beaucoup de gens culpabilisent quand un proche va mal, qu’ils ramènent ça à eux et pensent en être la cause.

J’ai l’impression d’avoir perdu toute spontanéité.

D’avoir perdu cette capacité à être émerveillée, surprise par la vie.

J’ai la sensation que chaque jour va se répéter indéfiniment, jusqu’à la fin. Ce qui pourrait être agréable et rassurant si la vie que je mène actuellement était celle que je voulais, mais ce n’est pas le cas.

Il y a dans ma vie des éléments que je ne changerais pour rien au monde, et d’autres que j’aimerais voir définitivement disparaître.

On en est tous là je sais.

Et la surcharge mentale arrive quand cet équilibre, difficile à trouver, est bancale.

Cette surcharge, je l’ai déjà frôlée, touchée du bout des doigts, à plusieurs reprises dans ma vie.

Ces fois où, plus jeune, j’ai lâché des boulots sur un coup de tête parce que je n’en pouvais plus, parce que la simple idée de me lever le matin, d’affronter le monde pour aller faire un travail que j’avais en horreur, me paralysait physiquement.

Ces fois où j’ai fait des crises d’angoisse au coeur de la nuit, sans que personne n’en sache jamais rien.

Ces fois, ces années, toute ma vie depuis l’enfance en fait, où j’ai du apprendre à vivre avec une boule au ventre, qui se fait plus ou moins sentir selon mon degré de surcharge.

Ces fois où je craque, un peu, où je suis nostalgique d’une enfance pourtant pas parfaite dans laquelle j’aimerais parfois retomber pour ne plus avoir cette chape de plomb, toutes ces responsabilités d’adulte sur les épaules.

Ces fois où je sursaute au moindre bruit, où mon coeur bat la chamade et me rend malade à la moindre sirène qui retentit.

Ces fois où, seule, je reste prostrée dans mon lit, incapable de me lever pour me faire à manger parce que je n’en ai pas la force.

Ces fois où, seule au fond de mon lit, j’en viens presque à fantasmer un malaise physique ou un accident pas trop grave, qui m’immobiliserait quelques temps et m’empêcherait de pouvoir gérer quoique ce soit. Qui obligerait mon entourage à prendre ma part de charge mentale, à me dire « t’inquiète pas, on s’occupe de tout, repose-toi ».

Ces fois où j’ai peur que ça arrive, parce que je sens bien que cette surcharge est de plus en plus lourde et présente, que j’accumule de plus en plus de fatigue et de maux physiques qui ne sont que des somatisations de ce que je ressens. Parce que je ne sais pas non plus si je serais capable de totalement lâcher prise, de m’en remettre à d’autres, de leur faire suffisamment confiance pour les laisser gérer à ma place. Parce que je suis aussi d’une nature très indépendante.

Ces fois où mon être tout entier est en conflit.

Je sais que je ne peux pas continuer comme ça. Je pense sincèrement qu’un jour mon corps va me lâcher, peut-être qu’un matin je n’arriverai tout simplement pas à sortir du lit. Où peut-être que ce sont mes émotions qui me planteront. Peut-être qu’un jour il y aura le bruit de trop, la personne qui s’approchera trop de moi, la foule… et que je m’écroulerai en pleurant, prostrée, incapable de bouger.

Ou peut-être que j’arriverai à tenir comme ça toute ma vie, comme tant d’autres le font, mais à quel prix.

La vie est parfois difficile, pour tout le monde. Je ne cherche pas à me faire plaindre, ceux qui me connaissent personnellement savent que ce n’est pas mon style.

Mais j’aimerais parfois être capable de mettre les sceptiques, ceux qui ne veulent pas comprendre, ceux qui vont même jusqu’à nier l’existence du syndrome d’Asperger, ceux qui disent que « quand même vous en rajoutez » dans mes pompes ou celles d’un ou d’une autre autiste pendant quelques heures pour qu’ils comprennent ce qu’on peut ressentir, parfois jusqu’à la souffrance physique, dans des situations qui leur semblent banales. Leur prouver que, non, on n’est pas des fainéants, non, on ne se cherche pas des excuses, non, on ne s’écoute pas trop. Ils seraient surpris si on s’écoutait réellement.

Le syndrome d’Asperger est ce qu’on appelle un handicap invisible.

Le handicap réside, à mon sens, dans le rapport aux autres dans notre société actuelle; quand je suis seule dans un environnement qui me convient, je ne me sens pas handicapée.

Invisible ne veut pas dire inexistant. Ce n’est pas parce que vous ne le voyez pas qu’il n’existe pas.

Certains diront « oui mais tu sais, on joue tous plus ou moins un jeu en société, tu pourrais faire un effort, comme tout le monde ».

Ce que j’aimerais faire comprendre à ces gens c’est que des efforts, j’en fais constamment et depuis toujours, et que ça m’épuise.

Nous vivons dans le même monde, mais nous n’avons pas les mêmes armes pour l’affronter.

Des efforts, j’en fais quand je vais acheter du pain à la boulangerie, quand je sors dans des endroits fréquentés, quand je dois soutenir une conversation, quand il y a des gens que je ne connais pas ou peu près de moi, quand je dois répondre « non merci, je n’ai pas besoin d’aide » à un vendeur insistant. Toutes ces situations, banales et spontanées pour vous, sont souvent source d’angoisse pour moi, et requièrent une préparation et une attention de tous les instants.

Aller boire un verre avec des amis vous détend, vous ressource. Moi aussi, dans une certaine mesure. Mais ça veut aussi dire affronter le bruit, les odeurs de cuisine, les cris, les bousculades parfois et autant de stimuli que je n’arrive pas à filtrer. Je sais qu’assez rapidement je finirai par décrocher, que je n’arriverai plus à me concentrer sur les conversations car je devrai aussi gérer toutes ces petites agressions. Je sais aussi que je rentrerai épuisée et qu’il me faudra plusieurs jours pour m’en remettre.

Imaginez un seul instant que chaque bruit sec que vous entendez vous fasse l’effet d’une bombe qui explose à vos oreilles, que chaque éclat de rire soit amplifié jusqu’à vous faire mal, que chaque interaction sociale avec des inconnus vous mette dans l’état dans lequel vous êtes quand vous passez un entretien d’embauche, que chaque personne qui s’approche un peu trop de vous vous fasse l’effet d’une violente bousculade. Essayez d’imaginer passer une journée entière avec ces paramètres. Vous serez certainement stressés et épuisés avant la fin de la journée. Cette journée stressante et angoissante, c’est mon quotidien.

Alors ne me demandez pas de « faire un effort ». Des efforts j’en fais continuellement et depuis toujours pour m’adapter à un monde qui n’est pas fait pour moi.

Ceci n’est qu’un petit aperçu de ce que je peux parfois ressentir, ce n’est pas représentatif de ce que peuvent ressentir tous les autistes Asperger.Comme tout le monde, et heureusement, nous avons tous nos particularités et singularités. Je tiens également à dire qu’il y a aussi de bons côtés quand on est autiste Asperger, et cela fera certainement l’objet d’un article un jour.

Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui est un jour sans.

La faute de la mère… réflexions sur la prise en charge de l’autisme en France

Quand j’avais environ 2 ans, ma mère m’a emmené chez le pédiatre pour une visite de routine. Pendant qu’elle discutait avec lui, je me suis installée au coin enfant pour jouer. A la fin de leur conversation, le médecin s’est levé pour m’ausculter. Sans une parole, il m’a arraché le jouet que j’avais entre les mains pour m’attraper.

Je me suis retournée et l’ai griffé. Jusqu’au sang.

Il est entré dans une colère noire et a crié à ma mère que je n’étais pas normale, que j’étais trop agressive et qu’il fallait m’enfermer dans une institution.

Ma mère s’est mise à lui hurler dessus à son tour que c’était lui qui avait un problème, qu’on n’arrachait pas un objet des mains d’un enfant, pas même un objet dangereux, sans le prévenir au préalable, que ma réaction était normale puisque, ne l’ayant pas vu venir, je m’étais sentie surprise et agressée.

Ma mère est partie en claquant la porte et je n’ai plus jamais revu ce pédiatre.

Ce jour-là, ce médecin a relevé un comportement qu’on pourrait qualifier d’atypique chez un enfant de 2 ans, qui méritait peut-être qu’on se penche dessus, qu’on l’observe à la lueur de sa façon d’être générale. 

Mais nous étions en 1985.

Je n’ose imaginer ce qu’il se serait passé si ma mère n’avait pas eu cette réaction.

Combien d’enfants comme moi ont été broyés par ce système ? Combien séparés de leur famille, placés dans des institutions pour des comportements jugés anormaux ? Parce qu’ils ne rentraient pas dans le moule. Parce que c’était la faute de la mère, encore et toujours, et qu’il fallait éloigner au plus vite cet enfant de la source de son anormalité, en culpabilisant au passage la mère, coupable de toutes les plaies du monde.

Il y a eu durant mon enfance d’autres comportements alertant sur ma… je ne sais quel mot utiliser… différence ?

Je crois que mes parents ne voulaient pas les voir. Après tout, en famille, j’étais une enfant plutôt calme, qui communiquait sans problème et n’était pas particulièrement agressive. 

Je crois aussi que mes parents ont eu chacun un parcours de vie où la souffrance et la stigmatisation étaient tellement présentes qu’ils voulaient à tout prix nous épargner.

Ma mère a perdu sa mère à l’âge de 4 ans. Elle a eu la poliomyélite peu de temps après et a passé une grande partie de son enfance et son adolescence loin de la famille qui lui restait. Qu’un médecin lui dise que le remède pour « guérir » sa fille était de l’éloigner des siens, elle ne pouvait pas l’entendre. Et je ne peux pas l’entendre non plus. 

Mon père a quant à lui été l’enfant non désiré qui a précipité le mariage de ses parents. Il a traversé comme il a pu une enfance et une adolescence tumultueuse, sous les coups et l’alcoolisme de son père, considéré à jamais comme le petit mouton noir de la famille. Je crois qu’il s’est toujours senti différent. Et peut-être qu’il l’était réellement.

Je ne rentrerai pas plus dans les détails de ma vie personnelle pour l’instant. J’avoue que c’est un projet que j’ai, depuis longtemps, et que je n’ai pas encore eu le courage de mettre en oeuvre. L’écriture est une de mes passions (intérêts spécifiques ?) depuis toujours, et j’ai toujours rêvé de devenir écrivain. Peut-être un jour..?

La problématique de l’accompagnement des enfants autistes est plus que d’actualité, particulièrement en France.

On les parque dans des hôpitaux de jour. L’hôpital n’est-il pas un centre de soins, censé guérir ou du moins traiter des maladies ? Pourquoi y envoyer des enfants en bonne santé ? 

Accepter une bonne fois pour toute la neurodiversité serait un bénéfice pour toute la société. Comment croire que des adultes neurotypiques puissent accepter la différence des neuroatypiques alors qu’ils n’y ont jamais été confrontés dans leur enfance ? 

Pourquoi l’école française s’escrime-t-elle à évaluer les enfants, tout au long de leur scolarité, sur des critères précis, en laissant complètement de côté d’autres talents que certains enfants développent ?

Comme le disait si bien Albert Einstein :

Tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide.

Par exemple, et je pense que cela fait partie des choses qui m’ont « sauvée » de cette machine à broyer les esprits, quand je suis rentrée au cp, je savais déjà lire, écrire, et je comprenais ce que je lisais. Je suis depuis toujours passionnée de lecture. C’est, dans notre société, un « talent » acceptable, voire encensé, et qui m’a peut-être valu une certaine tolérance vis à vis de mes autres comportements atypiques.

Que serais-je devenue si mon « talent » et ma passion avait été de retenir par cœur toutes les plaques d’immatriculation que je croisais ? 

Tout le monde aurait à gagner à une profonde réforme de l’école. 

Dans mes rêves les plus fous, l’école Montessori serait la norme et accessible à tout le monde.

Dans mes rêves les plus fous, chacun aurait un espace où exprimer ses talents, car tout le monde en a, sans être jugé ni stigmatisé.

J’espère que ce rêve deviendra un jour réalité.

En attendant je salue les initiatives des professeurs des écoles qui, de plus en plus et malgré les contraintes de l’Education nationale, font entrer des initiatives type Montessori dans les écoles publiques.

24 heures dans la vie d’une autiste Asperger illustrées par la série Kaamelott

Aujourd’hui j’ai décidé de vous expliquer, à l’aide de gifs tirés de l’excellente série Kaamelott, les différentes choses qui peuvent me passer par la tête en une journée.

ça commence dès le réveil :

J'vais peut être aller me recoucher moi

Avec les années à faire semblant pour essayer de me fondre dans la masse, à « faire un effort », j’ai accumulé un degré de fatigue assez monumental qui fait que chaque matin au réveil je me sens vidée ! Il y a des fois où j’éclaterais presque en sanglots tellement c’est dur. 

Mais bon, je me dis « Allez…

Courage

Je dois ensuite me rendre sur mon lieu de travail, et pour cela je n’ai pas d’autre choix que de prendre le train et ce qui doit sûrement être la pire ligne du métro parisien, avec tous les désagréments sonores, olfactifs et tactiles que cela peut engendrer. 

Extérieurement j’arbore ma poker face. Intérieurement c’est une autre histoire…

Mais vous êtes des malades - bruits

A peine arrivée au bureau, j’en suis déjà à ce stade :

Putain j en ai marre

J’arrive ensuite à mon bureau… en open space… Quand j’ai de la chance, j’arrive avant les autres, mais pas toujours. Parfois j’entends des conversations professionnelles, des blagues d’un humour plus ou moins douteux et je me dis :

 Et si jamais on essaie de me faire participer à la conversation, je réponds « Oui bien sûr! » ou « Ah ah ! Quelle vie palpitante tu mènes! » mais en vrai j’ai juste envie de dire, selon mon humeur :

C est pas faux

ou

J en ai rien à foutre

J’ai la chance d’être assez autonome dans mon travail. Mais il m’arrive de devoir poser une question à mon chef. Mon chef est du genre à tourner presque tout en dérision, même le travail. Donc quand je pose ma question, une fois sur 2 je repars sans ma réponse et avec une vanne douteuse. Selon mon degré de fatigue, la réaction ci-dessous est plus ou moins évidente chez moi :

D accord alors ça c est super sinon

Est-ce qu’on peut en revenir à ma question ?

Selon sa propre humeur du jour, la réaction ci-dessous est également plus ou moins évidente chez lui :

C est ça réfugiez-vous dans le détail 

Arrive enfin la pause déjeuner que je passe en général au bureau à bouquiner ou surfer sur le web. Il est à peine midi mais… 

Sans déconner j en ai marre

Malheureusement je ne suis pas la seule à déjeuner au bureau. Certains mangent en groupe, discutent (fort), regardent des vidéos (très fort) et rient (très très fort) d’un humour que je ne partage que rarement.

Et là je rêve juste d’avoir un jour le courage de dire :

Vous pouvez fermer vos gueules

L’après-midi est souvent plus animé. Les gens discutent plus, rigolent, et je vous rassure ça m’arrive aussi. Mais mon chef a un côté provoc et il sait malheureusement me faire partir au quart de tour avec ses blagues douteuses à tendance misogyne ou homophobe. Cela dit c’est peut-être le seul moment intéressant de la journée pour moi parce que, malgré ses blagues, j’essaie d’amener de vraies discussions, de débattre de sujets qui me semblent hautement plus intéressant que les conversations de café que je ne supporte plus. J’essaie d’expliquer mon point de vue, pour me retrouver face à des murs… Quelques exemples en vrac de points de vue que j’ai donné mais qui ont choqué l’assistance : je ne vois pas le problème avec un petit garçon qui joue à la poupée, l’homosexualité n’est ni une tare ni la conséquence d’une mauvaise éducation, la charge mentale n’est pas une invention, oui le harcèlement de rue est malheureusement très courant, etc, etc… Je vous l’accorde y a du niveau!

Au fond je vois bien dans leurs regards que parfois ils se disent :

Des engins comme vous ça devrait être livré avec une notice

Malgré ça et, encore une fois, selon mon degré de fatigue et de motivation du jour, j’essaie d’expliquer mon point de vue, à force d’anecdotes et d’exemples. Et puis je me dis à quoi bon ? Je me fatigue pour rien.

Je vous explique mais vous ne comprenez rien

Mais des fois ça me rend folle, mais folle… J’ai juste envie de laisser tomber mon masque et de réagir comme ça :

Ah merde là!

Et je sens bien que je suis en décalage, et pourtant, s’ils savaient à quel point je pourrais l’être encore plus si j’avais le courage de décider d’être, ne serait-ce qu’un jour, totalement moi-même, de ne pas m’adapter à eux… 

J ai l impression d être insipide

Et puis parfois, à de rares et trop courts moments, mon filtre social décide de se mettre en grève. Je commets un impair, sans le réaliser, je dis un truc qu’il fallait pas dire, et je comprends pas la réaction en face, et au fond de moi c’est juste :

Oh mais pourquoi vous vous mettez en colère

Parfois, malgré ça, on me dit « tu vas au pot de départ de Machin ce soir? »

De qui ??? Ah ah ! Non.

Allez viens, ça va être sympa! Pourquoi tu veux pas venir ?

Mais parce que ça me gonfle

Allez viens quoi!

M en fous j'irai pas

Et en plus c'est sans alcool

Bon, j’avoue, pour la dernière, ça n’arrive jamais dans la boite dans laquelle je travaille, mais pour socialiser correctement avec des inconnus ou des presque inconnus, il me faut au moins 2 verres. Du coup comme j’ai pas envie de développer une dépendance à l’alcool – déjà je fume, ça me pourrit assez la vie comme ça – je ne vais que rarement à ce genre d’événements.

Mais des fois, je sais pas pourquoi, j’accepte.

Et je me retrouve parfois entourée d’inconnus, qui ont des conversations dans lesquelles je n’arrive pas à m’immiscer, et je me sens comme ça :

ça vous ennuie si je me taille les veines

Et puis je reprends mon métro, et mon train, après une journée banale mais fatigante, en sachant que le jour suivant, celui d’après et tous les autres seront à peu de choses près pareils, et je me dis :

On en a gros

Et je rentre chez moi retrouver mes enfants et mon compagnon, enfants et compagnons que j’aime d’amour et qui ne sont pourtant pas extrêmement bavards (bon ok, ça c’est valable uniquement pour mon compagnon, mes enfants sont des pipelettes), et malgré tout l’amour que j’ai pour eux, parfois, j’ai juste envie de leur dire ça :

J'vous interdis de prononcer un mot

Saurez-vous deviner quelle ligne je considère comme la pire du métro parisien ? J’attends vos réponses en commentaires 🙂

Je ne suis pas tactile 

Il y a quelques années je prenais des cours de zumba avec certaines de mes collègues tous les vendredis soirs.

J’adorais ces cours. Je pouvais me défouler, être dans ma bulle tout en étant entourée de gens, et j’avais un prof génial.

Un soir ce prof n’a pas pu venir et s’est fait remplacer par une amie. Bon, déjà, autant vous l’avouer, j’étais contrariée d’avance par ce changement. Et en plus, cette prof n’avait pas du tout la même façon de faire que mon prof habituel. A un moment elle nous a demandé de nous mettre par 2 pour danser la salsa.

J’avoue que si je m’étais écoutée j’aurais réagi comme ça :

Cox

Mais comme je suis une jeune femme polie, bien élevée et bien adaptée, j’ai plutôt réagi comme ça :

Internally screaming

Comble de malchance, mes collègues et moi étant venues en groupe impair, je me suis retrouvée avec une dame que je ne connaissais pas… et qui s’est trouvée être très à l’aise dans cette danse… et très tactile.

Le morceau m’a paru extrêmement long, j’étais on ne peut plus mal à l’aise et j’avais envie d’en finir au plus vite.

Quand ce fut enfin terminé, je me suis dégagée au plus vite et me suis retournée vers mes collègues… qui étaient mortes de rire! La femme avec qui j’avais dansé était interloquée, et je me sentais de plus en plus gênée. Une de mes collègues a cru bon d’ajouter, à son intention, en s’esclaffant « Non mais c’est juste que ça nous fait rire parce que notre collègue elle aime pas qu’on la touche! ».

J’étais choquée.

Je le savais que j’étais pas tactile, mais je pensais pas que ça se voyait à ce point! Après tout pourquoi aurais-je été tactile avec mes collègues ???

Plus récemment, j’étais dans le train pour rentrer chez moi, en débardeur, chose assez rare. J’étais assise et le bout de mon pied touchait légèrement le siège vide en face de moi. Je sens d’un coup quelqu’un tapoter mon épaule nue, je me retourne d’un coup et me retrouve face à un type me disant « non mais franchement votre pied là! ».

Je vais faire une petite aparté ici pour tenter de vous décrire un peu ma façon de fonctionner. Je suis, d’une manière générale, même si j’essaie d’y travailler, du genre trop gentille, vous savez le genre de personne qui dit tout le temps « Oh pardon! Désolée! » quand on la bouscule, qui ne dit jamais rien, voire se laisse marcher sur les pieds et déteste par dessus tout se faire remarquer. C’est tout moi!

Mais là, sur le coup, le wagon bondé, les gens tout autour de moi, ce type que je ne connaissais pas… tout était en second plan. Je l’ai regardé droit dans les yeux, chose assez rare pour moi, et je lui ai dit, très froidement « par contre vous me touchez pas! ». Il a continué son blabla que j’étais incapable de suivre et je continuais à répéter, en haussant le ton « vous me touchez pas! », totalement indifférente, pour la première fois aux regards qui commençaient à se tourner vers nous en se demandant ce qui était en train de se passer.

Dans ma sphère privée c’est légèrement différent.

Avec mes enfants par exemple, j’ai l’impression que je suis plutôt tactile. Mais plus ça va et plus je me rends compte que je ne suis peut-être pas aussi tactile que la plupart des mères. Je ne suis pas froide pour autant, j’ai d’ailleurs été une grande adepte du portage quand ils étaient plus petits, et j’adore quand ils viennent me faire des câlins.

Avec mon compagnon, je sais que je ne suis pas aussi tactile que lui le souhaiterait. Plus que le contact, c’est de sa présence dont j’ai besoin. On peut être tous les 2 dans le salon, à faire chacun une activité, et j’apprécie qu’il soit à mes côtés, même si c’est à l’autre bout de la pièce. Je ne ressens pas forcément le besoin d’être collée à lui en permanence. J’ai remarqué également que, bien que l’initiative vienne rarement de moi, quand c’est le cas, c’est assez pulsionnel. Si j’ai besoin de le prendre dans mes bras ou qu’il me prenne dans ses bras, c’est maintenant, c’est quelque chose que je ne peux pas différer. Et dans ces cas-là j’ai besoin qu’il me serre fort dans ses bras, un contact soutenu, j’ai du mal avec les effleurements.

Avec ma meilleure amie – on en rigole souvent car on est un peu pareil là-dessus – quand l’une de nous a besoin de réconfort, ça donne ça : 

Je ne suis donc pas franchement à l’aise avec le contact physique.

Et vous, vous vivez ça comment ?